Le concept d’un thriller home-invasion n’est pas nouveau, de nombreux films ayant tenté (et souvent réussi) de placer le public directement dans ce scénario cauchemardesque et de créer une horreur confinée, tendue et palpitante qui vous tient en haleine. Mais Don’t Breathe reprend ce concept et le renverse en posant la question inverse : et si les envahisseurs n’étaient pas les méchants ? Le résultat est tout aussi terrifiant, et est rehaussé par une mise en scène précise et une musique obsédante et implacable qui vous happe tout au long du film.
Le principe de Don’t Breathe est court et simple : trois voleurs amateurs tentent de dérober à un vétéran aveugle une somme d’argent qui changera leur vie. Cependant, le groupe rencontre problème sur problème alors qu’ils réalisent que leur cible ne reculera devant rien pour protéger son argent, et ses secrets. Ils se retrouvent bientôt coincés dans la maison, incapables de s’échapper et ne voulant pas renoncer au gros lot. Le film offre une vision rafraîchissante du genre et place l’histoire au centre de ses préoccupations, ne voulant pas sacrifier les moments véritablement terrifiants au profit d’une frayeur bon marché. L’atmosphère s’installe progressivement tout au long de la courte durée du film, ce qui donne un niveau d’intensité qui n’aurait jamais pu être atteint sans un tel dévouement à l’évolution de cette histoire. La magie de Don’t Breathe réside dans le fait que, sur le papier, le film semble probablement et douloureusement moyen. Les personnages prennent souvent des décisions injustifiables, la structure narrative n’a rien de nouveau pour le public, et les moments effrayants ne seraient probablement pas aussi intenses sans l’œil aiguisé du réalisateur Fede Álvarez pour le genre, ou la photographie unique et inquiétante de Pedro Luque. C’est grâce à ce talent derrière l’écran (ainsi qu’à la performance glaçante de Stephen Lang dans le rôle de l’antagoniste aveugle du film) que le concept fonctionne aussi bien. Le scénario en lui-même n’est pas parfait, mais la façon dont les réalisateurs manipulent le lieu confiné et le travail unique de la caméra va au-delà.
La caractéristique la plus impressionnante de Don’t Breathe est, de loin, son aspect visuel totalement distinctif et la sélection des plans. Chaque image est sélectionnée pour faire ressortir autant de tension et de peur que possible, tout en formant une histoire passionnante et logique qui maintient les spectateurs investis. L’intrigue est le plus souvent imprévisible, mais même lorsqu’elle s’oriente vers un scénario plus classique, l’atmosphère suffit à vous tenir en haleine et à vous laisser surprendre par le déroulement de l’histoire. Le film est doté d’une partition merveilleusement inconfortable du compositeur Roque Baños qui anime continuellement l’histoire, et élève ces scènes intenses au-delà même de l’histoire elle-même. Il est difficile de parler de Don’t Breathe sans évoquer la présence remarquable de Stephen Lang dans le rôle du vétéran anonyme qui porte sur ses épaules le conflit central du film. Il capture parfaitement le caractère sinistre du personnage, affichant de manière experte ses motivations troublées et douteuses, sans même dire un mot. Qu’il s’agisse de sa façon de se déplacer, de la manière dont il “regarde” les gens, ou même de sa façon de respirer, le personnage devient instantanément l’une des figures d’horreur les plus effrayantes de l’histoire récente, alors qu’il n’est qu’un homme d’apparence ordinaire. Le succès du film en tant qu’exercice d’horreur dépend de la peur que le public éprouve ou non à l’égard du personnage, et à cet égard, le film s’en sort parfaitement.
Mais ce ne sont pas seulement les images et les performances qui élèvent Don’t Breathe au-dessus de nombreux films d’horreur similaires, la conception sonore délicate et la partition originale sont tout aussi importantes et efficaces pour construire son atmosphère et son ton tout au long du film. Fidèle à la prémisse unique du film, chaque respiration, chaque murmure, chaque craquement de parquet est essentiel pour placer le public dans ce monde et créer ce sentiment d’impuissance que partagent les personnages à l’écran. La partition bourdonnante a le même effet, vous plongeant dans le même état de panique et de peur sans fin en submergeant chacun de vos sens. L’utilisation d’une atmosphère qui s’intensifie progressivement n’est pas nouvelle dans les films d’horreur. Le film Shining de 1980 en est un exemple classique, car il ne s’appuie pas sur des scènes sanglantes ou des “jump scares” pour terrifier le public, mais plutôt sur une musique et des sons inquiétants, des performances troublantes et une photographie inhabituelle. Don’t Breathe, même s’il n’atteint pas les sommets émotionnels du grand classique de Kubrick, adopte une approche très similaire. Au début du film, nous avons droit à un long travelling sur la maison, qui nous plonge immédiatement dans ce monde et montre l’incapacité de s’échapper à laquelle sont confrontés ces personnages. C’est extrêmement efficace, et cela établit l’ambiance continue que le film utilise.
Dans l’ensemble, Don’t Breathe est un exercice réalisé de manière experte dans les genres du thriller et de l’horreur, qui vous prend progressivement sous la peau et devient de plus en plus intense tout au long de sa courte durée. Le scénario lui-même peut sembler vide à certains égards, mais le film est tourné avec précision et conçu dans le seul but de mettre le public mal à l’aise et de le rendre nerveux, ce qu’il fait parfaitement. Ce n’est pas le prochain chef-d’œuvre de l’horreur, mais c’est une montagne russe constamment divertissante qui n’abuse pas de son temps.
Don’t Breathe disponible en VOD, DVD et Blu-ray.