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Mission : Impossible – The Final Reckoning | L’écran de fumée

Ethan Hunt et son équipe avancent dans l’ombre d’un tunnel – Copyright Paramount Pictures

Cette nostalgie autoréférentielle trouve son prolongement naturel dans la figure d’Ethan Hunt, qui n’est plus un agent tourmenté, mais la pure extension médiatique de Tom Cruise — ce titan du star system hollywoodien qui s’impose moins comme acteur que comme marque omniprésente. À l’instar d’un Schwarzenegger ou d’un Stallone dans leur âge d’or, Cruise est devenu une icône-monolithe, un produit calibré pour nourrir sans fin sa propre légende. Ce n’est plus l’homme qui joue un rôle, mais le rôle qui se résume à l’image d’un homme, répétée à l’infini jusqu’à l’aliénation totale, telle une « star machine », pour reprendre les termes de Richard Dyer. Hollywood ne souhaite plus créer de figures complexes ; il recycle des avatars publicitaires strictement conçus pour rassurer un public infantile et conservateur. Cette starification excessive, reflet d’une industrie obsédée par la maîtrise et le contrôle de ses franchises, étrangle toute tentative d’incarnation véritable.

Dans les entrailles d’un sous-marin englouti – Copyright 2024 Paramount Pictures. All Rights Reserved.

Et pourtant, dans ce chaos formel, il arrive que surgissent des moments de cinéma. La plongée sous-marine d’Ethan Hunt semble ainsi brièvement rompre la monotonie. Peut-être parce qu’elle perturbe le rythme et isole un espace-temps resserré, où le corps, le décor et la temporalité redeviennent lisibles. Le jeu sur la pression croissante, l’oxygène compté et les mouvements ralentis produit une tension qui s’appuie sur l’économie du geste, plutôt que sur l’abondance d’effets. Cette séquence retrouve quelque chose de tangible : l’épaisseur d’un moment dans l’épreuve physique. Mais ce moment suspendu, précisément parce qu’il respire à contretemps, apparaît comme un fragment isolé. Il ne s’inscrit jamais dans une logique dramatique plus vaste, ne relance ni l’enjeu narratif, ni le parcours du personnage. Comme d’autres éclats du film, il fonctionne en vase clos, symptomatique d’une œuvre qui juxtapose les morceaux de bravoure sans jamais parvenir à les faire dialoguer. La scène captive moins par son insertion dans un tout que par le silence qu’elle semble opposer à l’agitation générale.