[INTERVIEW] Charlotte Colbert – « Il m’a dit qu’il l’avait vu 7 fois et qu’il avait trouvé ça très hypnotisant ! »

A l’occasion de la sortie de She Will, nous avons eu l’opportunité de nous entretenir avec Charlotte Colbert, lors d’une table ronde avec un confrére.

En marge de la sortie au cinéma le mercredi 30 novembre de son premier long-métrage, She Will, la réalisatrice Franco-Britannique Charlotte Colbert était présente à Paris pour répondre à nos questions, en compagnie d’un confrère.

Alexis : À quel moment du processus de création est venue la thématique de la sorcière ?

Charlotte Colbert : « Je crois que c’était toujours dans l’histoire, et toujours lié à la Terre, et à cette idée que les cendres des personnes exécutées étaient en train d’attendre leur moment pour ressurgir. »

Vincent Pelisse : Le décor a une grande place dans l’atmosphère visuelle du film. Est-ce qu’il était prévu dès le départ de tourner en Écosse ou ce choix s’est-il imposé dans les repérages ?

C.Colbert : « En fait l’histoire devait toujours se passer en Écosse, et quand les Écossais nous ont soutenu c’est vraiment devenu une évidence. Après il fallait trouver les endroits les plus intéressants où filmer. L’idée c’était que les moments avec Alice dans la retraite  soient les plus organiques possibles, et les moments de son passé ou avec Malcolm soient le plus urbain possible, avec une architecture plus complexe. Trouver la cabane dans les bois a été très difficile, et celle-ci était en fait très proche de l’endroit où la dernière femme condamnée pour sorcellerie se trouvait. Les producteurs au début étaient contres tourner là-bas puisqu’elle n’était accessible qu’en quad, qu’il n’y avait ni électricité ni sanitaire, ce qui était difficile vu qu’on avait pas une grosse équipe ou une grosse logistique. Mais en réalité c’était presque la partie la plus chouette du tournage, en pleine nature, à la belle étoile, c’était tellement beau ! Puis ce territoire Écossais qui est un peu le monde des mythes, on avait l’impression qu’un lutin pouvait sortir de la forêt à tout moment (rires), et le fait qu’il y ait eu ces massacres vraiment à cet endroit c’était dingue. »

A : Pouvez-vous nous en dire plus sur le personnage de Veronica et son évolution de femme plutôt rigide, vers une personne plus ouverte, au fur et à mesure de son rétablissement ?

C. Colbert : « Oui, c’est cette idée que ce qui lui est arrivé l’a définie jusqu’à maintenant et l’a empêché de connecter avec qui que ce soit, d’aimer ou de créer des liens normaux avec les gens autour d’elle. Donc oui en guérissant elle arrive à connecter avec la jeune fille, Desi, et à avoir un lien qui dépasse tout ce qui lui est arrivé. »

V.P. : J’aimerais aborder avec vous le processus de production, parce que c’est un film fantastique, avec des idées visuelles assez ambitieuses, un casting avec des acteurs expérimentés comme Malcolm McDowell ou Alice Krige. Comment êtes-vous parvenue à réunir tout ça dans votre premier long-métrage ?

C. Colbert : Avec beaucoup de difficulté ! (rires) Notre co-producteur a fait beaucoup de films, depuis pas mal d’années donc pour le casting c’était pratique parce qu’il connaissait déjà quelques personnes, mais c’était dur de convaincre les gens parce que le scénario était un peu fou, puis arriver à expliquer à la production ce qu’on voulait faire d’un point de vue créatif, mise en scène, décors, costumes, c’était pas toujours simple. En voyant les premiers plans de travail on a un peu pleuré parce qu’on avait très peu de temps pour tourner beaucoup de choses (rires), et en effet globalement on aurait aimé avoir plus de temps ! Pour le casting en fait, à partir du moment où on a eu Alice pour jouer Veronica, tout s’est mis en place. Par exemple, Malcolm était déjà en Angleterre pour un tournage, normalement il habite à L.A. donc on a pu l’amener en Écosse pour les quelques scènes qu’il avait, et Rupert Everett était à la même Drama School qu’Alice. »

A : Pouvez-vous nous parler de vos références en termes de cinéma d’horreur ou fantastique, qui vous ont inspiré pour She Will ou plus généralement en tant que cinéaste ?

C. Colbert : « Alors j’adore Nicolas Roeg, d’ailleurs le gars qui faisait ses effets spéciaux a bossé sur She Will. Mais oui, Don’t Look Now (Ne vous retournez pas) c’est vraiment le top. Il y en a tellement. Je suis souvent très impressionnée par des films de genre car ils sont très audacieux en termes créatif et narratif. Melancholia aussi j’adore, c’est tellement beau. J’aime beaucoup aussi Pique-nique à Hanging Rock, et Les Proies, en termes d’atmosphère un peu lente qui nous attrape par surprise… »

V.P. : Avec tous les plans à portée horrifique, on remarque que ceux du corps dénudé de cette femme âgée, avec ses cicatrices, est filmé avec une certaine douceur. Au-delà d’aborder le sujet de la mastectomie, quelle importance cela avait pour vous de montrer le corps d’une femme ayant subi cette opération ?

C. Colbert : « Pour Alice et moi c’était vraiment le moment clé du personnage, quand elle se regarde dans le miroir avec ce nouveau corps. La manière dont elle arrive enfin à se regarder, c’est aussi l’instant où elle regarde son passé, tout ce qui lui est arrivé, et qu’elle s’accepte. Pour moi elle devient presque une amazone, une guerrière, mais c’est le moment d’honnêteté qui lui permet de vraiment grandir. On a eu beaucoup de soutien aux USA d’une communauté de femmes ayant été opérées, c’était très émouvant et important pour nous. »

A : Est-ce que l’Horreur est un genre qui vous attire tout particulièrement ?

C. Colbert : « Alors ce qui est bizarre c’est que moi je vois jamais ça comme de l’horreur, mais tout le monde me dit que c’est ça ! (rires) J’ai l’impression que parfois c’est juste aussi que l’honnêteté de l’expérience humaine est toujours compliquée. Par exemple, tu vas au supermarché, tu achètes des fraises, et t’as un truc dans l’œil, c’est bizarre, puis d’un coup t’as une crampe… C’est complexe l’expérience, on peut ressentir ça comme des moments horrifiques ou non ! (rires) »

V.P. : Pouvez-vous nous parler de la place de la nature dans le récit ? Car on ressent dans le parcours de Veronica que pour guérir et se défaire de ses traumas, elle a besoin de se connecter à la nature qui l’entoure. 

C. Colbert : « C’est complètement ça. On voulait vraiment que la Nature soit la voix de ces femmes persécutées dans le passé. Le décor était important mais on a travaillé ça aussi dans le sound design, pour ajouter des voix, des murmures…

V.P. : C’est un héritage féminin en fait, non ?

C. Colbert : Oui voilà, un héritage ! C’est beau de le dire comme ça aussi. 

A : Est-ce que c’était intimidant pour un premier film de travailler avec des artistes célèbres comme Malcolm McDowell ou Clint Mansell pour la musique ?

C. Colbert : « Premier jour avec Malcolm, c’était les scènes vers la fin du film, donc avec le plus d’effets spéciaux. Mais comme avec Alice on était très soudées, ça a aidé je pense à avoir une bonne atmosphère de travail, et on devait travailler vite avec un planning serré, même avec Malcolm, ce qui n’est pas le plus grand luxe du monde, lui qui aime bien ses repas assez longs… (rires) Mais il a été incroyable, j’avais une doublure au cas pour certains plans mais il a tout fait lui-même. Je crois qu’il a beaucoup aimé être sur le projet et qu’il s’est bien amusé. 

Clint aussi c’était dingue, il a vu le film, et 2 jours plus tard, il m’a dit qu’il l’avait vu 7 fois et qu’il avait trouvé ça très hypnotisant ! Puis ensuite on a travaillé sur la musique, c’était un super échange collaboratif. »

V.P. : Dans certaines scènes avec Malcolm, la caméra se déplace de manière étrange autour de lui, un peu comme certains plans en vue subjective d’Opéra de Dario Argento (qui a rejoint la production du film), quelle était votre approche pour filmer ces scènes-là ?

C. Colbert : « Ah oui tiens je n’y avais pas pensé. En fait, c’était tout un travail avec Jamie Ramsay (directeur de la photographie), pour établir une esthétique distincte entre le rêve et la réalité et aussi en fonction du lieu, en tenant compte de nos moyens et du temps qu’on avait. Donc on est venu à penser à ces mouvements avec la steadicam, comme si c’était l’esprit de Veronica qui se déplaçait en flottant autour de lui. »

A : Pour finir, est-ce que vous avez de nouveaux projets en cours ?

C. Colbert : Oui ! Faut croiser les doigts, bientôt j’espère !

Propos recueillis lors d’une table ronde par Vincent Pelisse (C’est quoi le Cinéma ?), et Alexis (Chaîne YouTube « En tout Genre »).

Remerciements à l’équipe de Mensch Agency, et à Alba films pour cette interview.

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