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[INTERVIEW] Antoine Bouillot – Focus sur « Luz de Luna »

Luz de Luna est le nouveau court-métrage d’Antoine Bouillot, produit par l’association Super Seven. En une vingtaine de minutes on y suit l’évolution d’un couple sur plusieurs années. Ces jeunes adultes, Samuel et Amélia, vont donc apprendre à se connaitre grâce au Tango, une danse qui les suivra tout le long de leur relation. On vous recommande grandement cette œuvre, qui sous la forme d’un timelapse (comme le prologue de Là-Haut) fait défiler sous nos yeux, une vie entière d’amour, de réussites, de déchirures, de réconciliation et d’espoirs. Un film qui réussit à transmettre la plupart de ses émotions en un minium de dialogues grâce aux superbes interprétations des acteurs principaux, Stefano Forlini et Amélie Rulquin. Il y a dans Luz de Luna une beauté discrète qui se révèle bien plus dans les gestes que dans les mots, et notamment à travers la danse. Sans en divulgâcher trop nous vous conseillons simplement de voir Luz de Luna, disponible à la fin de cette interview. Un court-métrage réussit, qui insiste sur les pouvoirs guérisseurs de l’art. Pour fêter la sortie de Luz de Luna nous avons eu la chance de poser quelques questions à son réalisateur, monteur et co-scénariste, Antoine Bouillot, que je remercie chaudement.

Enzo Durand : Tout d’abord merci Antoine pour ce superbe film, peux tu revenir sur l’origine de ce projet ?

Antoine Bouillot : Depuis un moment déjà j’avais pour idée de réaliser un film sur la danse qui serait métaphore d’un couple. Sans pour autant savoir quelle danse m’intéresserait, ni quelle histoire d’amour. Et j’ai eu le déclic lorsque j’ai pensé à une danse où les humeurs et les sentiments des danseurs se traduiraient dans leurs gestes et leurs attitudes, et une danse parfaite pour cela était le tango. Le tango à cette caractéristique de pouvoir être improvisée, car le leader mène littéralement la danse, il fait bouger le suiveur et le fait se déplacer. Alors si dans un couple il y a une cassure, qu’une haine s’installer progressivement, on peut imaginer que la danse sera violente et agressive, que les regards seront durs. C’est ce qui m’a intéressé dans cette idée. Alors que je ne connaissais rien au tango, j’ai décidé de me plonger dedans et d’écrire cette fiction avec ce postulat de départ.

Enzo Durand : Tu es donc à l’origine de ce projet en tant que co-scénariste, et d’ailleurs tu as également la casquette de monteur et de réalisateur. Comment as-tu vécu ce cumul des taches sur le tournage ?

Antoine Bouillot : J’ai toujours eu cette triple casquette sur mes projets, encore aujourd’hui. Ça vient de mon expérience d’autodidacte, car j’ai tout appris par moi-même, et je n’avais jamais envisagé de déléguer une de ces étapes. Pour Luz de Luna en revanche je voulais vraiment changer cette méthode, notamment pour le montage que je souhaitais confier à une autre personne afin de voir ce que pouvait donner un de mes films façonné a posteriori par quelqu’un d’autre. Malheureusement le monteur que j’avais choisi m’a lâché au début de la post prod, et il était plus simple pour tout le monde que je m’en occupe finalement.

Enzo Durand: Pour revenir à ton film, l’un des aspects les plus intéressants réside dans la manière dont les dialogues passent au second plan, laissant une place prépondérante à une certaine physicalité. Pourquoi accorder une telle importance au corps, que ce soit à travers les embrassades, les regards ou la danse ?

Antoine Bouillot: En amour, il me semble que le corps et les regards sont bien plus expressifs que les mots. Il n’est jamais évident d’exprimer ce que l’on ressent à quelqu’un, que ce soit lors de l’éclosion d’un amour ou après un grand drame. Deux corps qui étaient auparavant unis, très proches et tactiles, peuvent maintenant être séparés, et cela raconte quelque chose. Lorsqu’une haine s’intensifie à un tel point qu’elle explose en une terrible dispute, j’ai trouvé intéressant de couper le son des voix afin de nous focaliser sur les visages crispés, rouges, tendus et durs, plutôt que sur les mots qui perdent leur importance.

Enzo Durand: D’ailleurs, pendant certaines séquences, la musique prend également le pas sur les dialogues. Comment as-tu travaillé avec Yassine Khaled, le compositeur, et quelles indications lui as-tu données ?

Antoine Bouillot: Nous avons travaillé en étroite collaboration avec Yassine sur la musique du film. Les compositions destinées aux chorégraphies ont été préparées bien avant le tournage. J’avais en tête les émotions et l’intensité de chaque scène, accompagnées de quelques références musicales existantes, et Yassine a su donner vie à mes idées. Pour les autres séquences, puisque le montage était déjà réalisé, je lui ai accordé une certaine liberté tout en lui fournissant des moments clés à respecter. C’était un exercice original pour lui, comme s’il doublait le film avec des instruments. Nous avons retravaillé les musiques à de nombreuses reprises jusqu’à obtenir le résultat optimal. Malgré quelques difficultés rencontrées tant de son côté que du mien, je suis extrêmement satisfait de la musique du film. Yassine a su sublimer les images avec ses compositions.

Enzo Durand : La sincérité de la relation dépend beaucoup de tes protagonistes, comment as-tu choisi les interprètes ?

Antoine Bouillot: Amélia et Samuel représentent le couple idéalisé, évoluant dans un Paris lui-même idéalisé, et ils expriment leur amour à travers la danse sur les quais de la Seine, avec un ciel bleu comme toile de fond. Pour les créer, je me suis inspiré de films tels que ceux de Jacques Demy, La La Land et certains films de Terrence Malick, qui ont exploré le rapport au corps dans l’amour de manière significative. J’ai construit ces personnages comme des protagonistes de comédie musicale, à la différence qu’ils ne chantent pas, mais se contentent de danser. Ils auraient pu être n’importe qui, car l’idée du film était avant tout de réussir à transmettre des émotions à travers la danse et les corps. Amélie et Stefano, les acteurs, étaient en réalité un couple dans la vie réelle et ils dansaient ensemble le tango. C’était une opportunité incroyable, car même s’ils n’avaient pas d’expérience en tant qu’acteurs, je savais que je pourrais facilement obtenir une véritable authenticité dans leur relation.

Enzo Durand : Enfin, pour conclure, as-tu d’autres projets en tête ?

Antoine Bouillot: Il y a un an, j’ai fondé une société de production appelée La Cerisaie Films dans le but de réaliser et produire des clips musicaux. L’objectif est que, si cela fonctionne, je pourrai ensuite plus facilement financer mes propres courts-métrages grâce à l’argent et à l’expérience accumulés. C’est une toute nouvelle aventure, complexe, et nous commençons seulement à voir les premiers résultats concrets. J’aimerais beaucoup écrire un nouveau scénario et travailler sur un court-métrage, mais pour l’instant, les clips demandent toute mon attention et mon temps. La réalisation d’un clip est un exercice extrêmement stimulant et formateur. Nous verrons où tout cela nous mènera !

Enzo Durand : Merci encore pour toutes tes réponses et à bientôt je l’espère pour un prochain film !

Luz de Luna de Antoine Bouillot, 25min, avec Amelie Rulquin et Stefano Forlini – Disponible sur YouTube.