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Flow, le chat qui n’avait plus peur de l’eau | Cap ou pas cap ?

Un chat observe son reflet puis le cadre s’élargit à mesure que la montée des eaux s’intensifie. Entre quelques statues gigantesques et une demeure isolée, les animaux s’entrecroisent pour récolter de la nourriture. Sans paroles, Flow impressionne par une mise en scène circulaire, explorant chaque espace occupé par les bêtes dans leur environnement. La caméra se faufile en forêt, sous un fleuve puis dans les airs comme pour capter leur conditionnement aux différents milieux auxquels ils se sont acclimatés. Un motif récurrent parcourt la durée du long-métrage : la place de celui qui observe depuis les hauteurs. Dès l’introduction, le chat se rend chez son propriétaire absent. Il ne reste plus que des créations matérielles, croquis, constructions architecturales, vestiges de la présence humaine. Plus tard, un oiseau, emporté vers le ciel, finit par retrouver ses ailes. En acceptant sa condition, cet échassier parvient finalement à la transcender. Ce propos, semble-t-il surexploité jusqu’à la moelle dans le cinéma d’animation, dégage une authenticité toute propre en refusant d’anthropomorphiser les créatures.

Sous la direction de Gints Zilbalodis, l’équipe d’animateurs travaillant sur le logiciel Blender s’est préparée minutieusement en étudiant les espèces au zoo. La restitution des singeries et mimiques propres aux animaux est d’une précision remarquable, générant par moments quelques gags brillants. Miaulements, aboiements et autres cris enregistrés veulent se faire entendre. Ainsi, le félin évite les chiens à sa poursuite en utilisant la même cachette après avoir appris de leur comportement. D’ailleurs, le rythme narratif laisse peu de respiration à cette Arche de Noé se déplaçant en permanence. Perte d’un objet ou de l’autre, nos compagnons réagissent aux deux options. Film catastrophe dans le texte – les arbres s’effondrent et l’eau menace -, Flow véhicule un message positif sur la capacité d’adaptation au dérèglement climatique. Ses images en trois dimensions font la part belle à la lumière que les lieux réverbèrent différemment. Au soir, un phénomène météorologique opère quand chacun dort à sa place toute réservée. Pourtant, leur existence précède toujours les risques du moment, et cette continuité trouve un écho dans les plans rapprochés qui capturent leur intimité.

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L’habillage sonore n’est pas en reste. Du bruit des feuillages au ruissellement des eaux de pluies, chaque détail est soigneusement pensé pour refléter ce qui affecte les lieux. Sans recourir à un storyboard, le cinéaste a placé des caméras virtuelles à des points précis dans l’environnement 3D qu’il a conceptualisé. Cette initiative est un geste radical, qui par ces choix de réalisation, privilégie la captation du moindre évènement au danger, le laissant parfois dans le hors-champ. Très souvent, le spectateur est ramené au plus près des personnages après avoir pris conscience de l’immensité de l’espace dans un cadre large. Afin d’évoquer la cohabitation possible des peuples, Zilbalodis explore le sens pratique que chaque être peut développer face aux enjeux immédiats. En maintenant un récit simple – le périple d’un chat confronté aux obstacles climatiques –, il lui intègre une portée universelle. L’idée est amenée frontalement, en témoigne ce dernier plan où la communion des animaux les amènent à regarder ensemble leur propre reflet. Un élément de la catastrophe disparaît, puis resurgit, tout comme ces touches musicales subtiles qui parsèment le film. Alors que l’environnement et les manières de vivre évoluent, Flow offre une expérience sensorielle apaisante, transformant la préoccupation écologique en un terrain de jeu matériel qui préexiste aux êtres.

La dramatisation opère par un mouvement de caméra captant la perte de repères par le biais d’un regard, d’une chute, et de mouvements verticaux ou horizontaux à répétition. Au sein du décor, ce suivi des gesticulations est une découverte à part entière pour le spectateur. Dans cet univers fantastique qui n’est jamais réaliste, nous visitons les restes d’une civilisation abandonnée par l’homme, évoquant le jeu vidéo par la juxtaposition des ruines et des lieux qu’ils occupent. Toutefois, la critique du déterminisme en faveur de la diversité est répétitive et atténue quelque peu la sensation vertigineuse d’un abandon total à l’immensité de cet univers. Flow reste une œuvre chargée d’espoir où le partage récréatif amène à se sauver autrement.