[FILMOTHÈQUE] Blaze – Le feu du dragon

Illustrer une réponse émotionnelle aussi complexe que le traumatisme est une tâche extrêmement difficile. Il n’y a pas de mode d’emploi, pas de codes et de conventions, pas de formule établie pour y parvenir. Cependant, Del Kathryn Barton, peintre double lauréate du prix Archibald et artiste chevronnée dans la création d’œuvres symboliques, riches en couleurs psychédéliques et en détails excentriques, fait de cette exploration sa marque de fabrique dans son audacieux premier long métrage, Blaze. Le film nous plonge dans l’univers bouleversant d’une jeune fille de douze ans dont la vie est bouleversée après avoir été témoin d’un viol et d’un meurtre.

MY LITTLE DRAGON

L’événement traumatisant, qui est monté de manière inhabituellement discordante, semble défier la nature même du cinéma. Il se produit tôt dans le film, avant que Barton ne fusionne pleinement l’état d’esprit de la protagoniste avec la forme et le contenu du film, dévoilant ainsi les créations surnaturelles qui lui confèrent sa saveur visuelle distinctive. Parmi ces créations, le dragon imaginaire Blaze, dessiné par Julia Savage, se distingue. C’est une création tactile étonnante, composée de plumes, de feutres étranges et de paillettes, avec de grands yeux globuleux et une corne semblable à celle d’une licorne. Blaze ne devient pas simplement une évasion idéalisée pour la jeune fille, mais plutôt un réflexe de survie face à une réalité sombre.

Le film explore de manière poignante la manière dont l’imagination de la protagoniste devient un mécanisme d’adaptation, ce qui est illustré de manière explicite lors d’une scène au tribunal où un dragon miniature dans la bouche de Blaze crache du feu sur l’agresseur. Blaze a un père aimant, interprété par Simon Baker, désespéré pour l’aider, mais il n’y a pas de réponses faciles. La situation est incroyablement éprouvante, en particulier car Blaze est la seule témoin et son témoignage est essentiel. Le film aborde la lourdeur de la réalité, mais il s’efforce également d’explorer la psychologie complexe de la jeune fille, qui se retrouve dépassée par les terreurs du monde réel.

DANS LA TÊTE

Pourtant, malgré la gravité du sujet, Barton choisit une approche qui oscille entre la subtilité et l’énigme. Si elle aurait pu céder à la tentation de l’évident et du didactique, elle préfère nous plonger dans un univers cryptique, riche en éléments visuels méditant sur la perte et la renaissance. C’est comme si chaque image était un fragment d’un kaléidoscope complexe, évoquant des visions étranges et suggestives. Les effets spéciaux, qu’il s’agisse d’animation en stop-motion ou de jeux d’échelle, créent un monde en miniature d’une beauté troublante.

Une piste pour déchiffrer cette imagerie étrange survient lorsque Blaze découvre une carapace de cigale. Ce fragile objet marque une transition, rappelant le passage de l’enfance à l’âge adulte. C’est un thème central du film, illustrant comment Blaze, comme le Peter de Peter et Elliott le dragon, doit envisager de laisser derrière elle des choses qui sont exquisément spéciales mais ont atteint la fin de leur cycle de vie.

VIVA AUSTRALIA

Le cœur du film repose sur la performance incroyablement puissante de Julia Savage, qui incarne avec brio la résolution au milieu de la tourmente intérieure, offrant une gamme d’émotions saisissante. Sa performance rappelle d’autres jeunes acteurs australiens qui ont brillé dans des films hallucinogènes locaux, tels que Bethany Whitmore dans Girl Asleep et Noah Wiseman dans Mister Babadook.

Blaze trouve des échos dans d’autres films qui mélangent la réalité sombre avec des rêves juvéniles, à l’instar de Les Bêtes du Sud sauvage de Benh Zeitlin. Cependant, là où ce dernier opte pour un réalisme rugueux, Barton crée un monde déjà surréaliste, réduisant la distance entre les mondes intérieurs et extérieurs. Le résultat est une fusion étouffante et enivrante de style audacieux et d’émotions authentiques. Del Kathryn Barton signe une œuvre qui la place parmi les réalisatrices à suivre de très près. Blaze est audacieux et nuancé, un tour de force visuel et émotionnel qui ne laisse personne indifférent.

Blaze de Del Kathryn Barton, 1h41, avec Simon Baker, Julia Savage, Yael Stone – Disponible en exclusivité sur FILMO.

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