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[DVD/BLU-RAY/4K] Le Mépris – Étreintes brisées (Studiocanal)

Camille aime son mari, Paul, écrivain vivant à Rome. Un producteur le contacte pour lui demander de remanier le scénario d’un film que Fritz Lang tourne en Italie. Soudainement, sans raisons nettes aux yeux de Paul, Camille commence à le mépriser.

Le Mépris, sorti en 1963 est aujourd’hui un des, si ce n’est le plus célèbre film de Jean-Luc Godard, un des réalisateurs les plus importants de l’histoire du cinéma. Prétendant également à ce titre, on y retrouve Fritz Lang, dans son propre rôle, mais aussi deux de nos acteurs les plus talentueux pour incarner le couple du film : le grand Michel Piccoli, et Brigitte Bardot dont la carrière était encore assez jeune mais qui s’était brillamment illustrée en 1960 dans La Vérité, le chef-d’œuvre d’Henri-Georges Clouzot.

Le propos du Mépris se développe sur deux sujets qui convergent ensemble tout au long du film. Le premier étant le délitement du couple de Paul et Camille, et le second, faisant office de toile de fond du récit, cette réécriture du film sur l’Odyssée, qui permettra au cinéaste de poser un regard critique sur l’évolution du cinéma. Ce qui lie ces deux couches de narration est la présence du producteur Jeremy Prokosch (interprété par Jack Palance). Un personnage vulgaire, faisant mine de s’intéresser à l’Art mais qui ne se gêne pas pour le dénaturer dès lors que ça arrange ses revenus.

Il se retrouve également au centre du conflit conjugal, notamment dans cette séquence pivot au début du film, lorsqu’il emmène Camille en voiture dans sa propriété. Le personnage de Camille semble assez énigmatique, insaisissable, et encore aujourd’hui de nombreux spectateurs ne comprennent pas la crise qu’elle traverse. C’est notamment une question de point de vue, car si l’on se place depuis celui de Paul, elle nous apparaît comme une personne d’humeur changeante, susceptible, et légèrement volage. Cependant, certains détails échappent à Paul, ou en tous cas, il ne parvient pas à prendre conscience de leur importance.

En effet, on remarque que dès les premiers instants de sa rencontre avec le producteur, celui-ci lui dit : « J’ai entendu que vous aviez une belle femme. ». Avant même de parler affaires, ou des détails du scénario qu’il souhaite lui faire réécrire, il fait un commentaire étrange sur Camille, qu’il n’a encore jamais vue. Plus tard, lorsqu’il s’apprête à partir en voiture, pendant que Paul discute avec Fritz Lang, il propose à Camille de venir boire un verre chez lui (demande qui ne semble pas inclure son mari), elle répond qu’elle ne sait pas, et il lui rétorque avec un aplomb déstabilisant « Vous le savez très bien. ». Perturbée, Camille demande à son tour à Paul, qui accepte, mais la laisse partir seule en voiture avec Prokosch, alors qu’elle voulait plutôt prendre un taxi avec son mari pour aller chez lui. Paul, insensible au ton inquiet de sa femme, et au comportement grossier et libidineux du producteur, la laisse partir, ce qui fissurera irrémédiablement leur relation. 

Le point de rupture pour Camille, qui tue son amour pourtant sincère envers Paul, est la confiance qu’elle lui accordait, brisée subitement lorsqu’il fait le choix de la confier à un prédateur, telle une brebis que l’on laisserait seule dans une cage avec un loup affamé. Pour ne rien arranger, Paul met plus d’une demi-heure pour retrouver Camille. Qui sait ce qui aurait pu lui arriver dans la voiture, ou dans la villa en attendant Paul ? Une fois réunis, on la sent terriblement distante, et dans son regard une déception immense. Comment son mari, juste pour se faire bien voir de son potentiel employeur, a-t-il pu la livrer comme une vulgaire pièce de viande entre les mains de ce rustre ?

S’en suivra une longue discussion dans leur appartement, lieu censé représenter leur intimité, mais qui ne fera qu’accentuer la fracture entre eux, que Godard filme brillamment à travers les positions que prennent les personnages dans l’espace. Des allers-retours dans toutes les pièces, mais dans lesquelles les personnages n’arriveront pas à partager l’écran en symbiose, comme lors de la célèbre et sensuelle ouverture du film. Paul l’interroge longuement sur les raisons de sa colère, mais ne semble jamais arriver à toucher du doigt le poids de ses actes, et part même dans des suppositions douteuses.

Affecté par le mépris soudain de Camille comme un poison insidieux qui contamine ses pensées, Paul se retrouve ainsi influencé jusque dans son travail. En discutant avec Fritz Lang de la nouvelle direction narrative à prendre dans l’adaptation de l’Odyssée d’Homère, on se rend compte que l’interprétation qu’il propose est directement inspirée de ses tourments conjugaux, suggérant que si Ulysse est parti en guerre de Troie et a mis 10 ans à rentrer à Ithaque, c’est à cause du comportement ambigu de sa femme avec ses prétendants, et qu’il se serait rendu compte qu’elle ne l’aimait plus. Une nouvelle preuve de sa réflexion déconnectée du cœur du problème, sans remise en question profonde de ses actes. C’est là que le récit du film se superpose avec le récit mythologique, renforçant ainsi l’iconisation que fait Godard de Camille, allant jusqu’à filmer le corps nu de Brigitte Bardot comme une statue de déesse grecque.

À ce titre, la magnifique musique de George Delerue, qui revient comme un leitmotiv tout au long du film, amplifie l’atmosphère tragique de cette histoire, donnant l’impression que c’est l’amour en tant que sentiment universel qui se meurt, au bord des falaises vertigineuses de Capri et de la sublime villa Malaparte. Un thème légendaire, d’un des plus grands.


Le coffret Blu-ray propose une expérience cinématographique complète avec plusieurs éléments captivants. Tout d’abord, vous trouverez une version 4K Ultra HD du film principal, offrant une qualité visuelle exceptionnelle avec la prise en charge du HDR10 pour des contrastes saisissants. En plus de cela, le Blu-ray du film est également inclus pour une compatibilité avec les lecteurs Blu-ray standard. Pour approfondir votre compréhension et votre appréciation de l’œuvre, un livret de 24 pages rédigé par Jean-Baptiste Thoret est inclus, vous plongeant dans des réflexions et des analyses enrichissantes.

Le coffret comprend également deux courts métrages de Jacques Rozier, Paparazzi (1964, 22′) et Le Parti des choses : Bardot et Godard (1964, 10′), qui ajoutent une perspective unique à l’univers du cinéma. De plus, vous pourrez découvrir le documentaire Il était une fois… Le Mépris réalisé par Antoine de Gaudemar en 2009, d’une durée de 52 minutes, qui explore les coulisses et l’impact du film. Pour une présentation approfondie, Colin MacCabe propose une introduction captivante au film dans un segment de 6 minutes. Enfin, la bande-annonce originale du film, d’une durée de 2 minutes, complète le contenu du Blu-ray, offrant un aperçu de l’esthétique et de l’atmosphère du Mépris.

Le Mépris de Jean-Luc Godard, 1h45, avec Brigitte Bardot, Michel Piccoli, Jack Palance – En Blu-ray 4K chez StudioCanal

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