[CRITIQUE] Watcher – Arts et fenêtre bien Courbet

Le récit de Watcher s’amorce avec l’arrivée à Bucarest, en Roumanie, de Julia (incarnée par Maika Monroe) et de son compagnon, Francis (interprété par Karl Glusman). Attiré par une opportunité professionnelle dans la capitale roumaine et ayant des attaches familiales dans le pays, Francis convainc Julia de s’y installer. Si Francis maîtrise le roumain, Julia, elle, ne possède que quelques rudiments de la langue, s’efforçant d’en apprendre davantage par le biais de leçons audio, souhaitant ainsi moins dépendre de Francis pour communiquer.

Dès leur emménagement, Julia perçoit la présence récurrente d’un homme à la fenêtre de l’appartement en face, une silhouette énigmatique scrutant l’obscurité nocturne. Cette sensation d’être observée s’intensifie lorsque Julia constate qu’un individu (incarné par Burn Gorman) semble la suivre dans ses déplacements, que ce soit au cinéma ou à l’épicerie. Malgré les tentatives de Francis pour apaiser ses craintes en les attribuant à de la paranoïa, Julia reste convaincue des intentions troubles de cet homme qui la traque. L’irruption d’une scène de crime un soir, éclairée par des lumières clignotantes, des murmures inquiets et des silhouettes furtives, ne fait qu’attiser ses soupçons. Ils apprennent alors l’existence d’un tueur en série, surnommé l’Araignée, semant la terreur en s’en prenant à de jeunes femmes chez elles. Pour Julia, il ne fait aucun doute que l’homme à la fenêtre et le mystérieux traqueur ne font qu’un. Dans cette cité où les vies se côtoient à quelques pas, séparées seulement par des murs, chaque détail entendu, chaque décor sur une porte, chaque courrier égaré nourrit la curiosité, exacerbée par la solitude inhérente à une ville étrangère.

Copyright Universal Pictures Content Group

Le choix avisé du film de ne pas sous-titrer les dialogues en roumain, la langue inconnue de Julia qui sert de porte d’entrée au spectateur, accentue l’isolement de cette dernière. Dépendante de Francis pour traduire et se repérer dans ce nouvel environnement, elle se retrouve souvent dans l’incompréhension face aux reportages sur les meurtres ou lors de conversations partiellement saisies. Cette expérience la laisse perplexe, questionnant même les intentions de Francis dans ses traductions. Dans ce tableau, les couleurs jouent un rôle saisissant : les tenues flamboyantes de Julia contrastent avec le sombre paysage urbain qui l’enserre. Progressivement, à mesure que grandit sa paranoïa, les teintes vives cèdent le pas à une palette terne, envahissant son quotidien de rideaux lugubres, de nuances beige et brunes, soulignant l’éloignement de son éclat initial.

Pourtant, malgré ces tourments, le film parvient à tisser une toile complexe où l’obsession de Julia pour l’homme à la fenêtre n’étouffe pas complètement l’intrigue. Watcher se présente comme une relecture féministe, voire fébrile, du classique Fenêtre sur cour. Si Francis tente de rationaliser les angoisses de Julia en évoquant la possibilité que cet homme soit simplement un voisin fréquentant les mêmes lieux, d’autres personnages s’emploient également à minimiser ses craintes, reflétant ainsi un écho familier pour beaucoup de femmes. Mais derrière ces apparences rassurantes se cache une méfiance latente envers les expériences vécues par Julia.

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Pas de surnaturel, la terreur émerge de la réalité, de la perte de confiance, des intrusions dans l’intimité du foyer, de la traque implacable. La performance remarquable de Maika Monroe transcende les codes du rôle féminin dans le genre de l’horreur, offrant une palette de nuances qui dépasse le simple cri perçant pour atteindre une profondeur psychologique saisissante. Si le long-métrage semble emprunter des sentiers balisés dans le paysage cinématographique, il le fait avec une maestria indéniable. Sous la direction éclairée de Chloe Okuno, le film distille une tension palpable, soutenue par des interprétations secondaires captivantes.

Moins spectaculaire que certaines productions récentes du genre, Watcher préfère insinuer son malaise plutôt que de le hurler dans les recoins obscurs. En s’attaquant à une terreur ancrée dans le quotidien, il se fait l’écho des peurs familières des femmes, sans avoir besoin de créer de nouveaux monstres.

Watcher de Chloe Okuno, 1h36, avec Maika Monroe, Karl Glusman, Burn Gorman – En VOD le 3 février 2023

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