
Bien que le réalisateur Jan Matuszyńki insiste sur le fait que Burn After Reading a été la plus grande influence sur son deuxième film, Varsovie 83 – Une affaire d’état n’est pas un film drôle au-delà de ses cinq premières minutes. Suivant la mort tragique de l’étudiant en art Grzegorz Przemyk dans un poste de police de Varsovie en 1983, Varsovie 83 – Une affaire d’état est à la fois un drame historique sur les injustices du communisme et un clin d’œil fatigué au présent. Tomasz Zietek se distingue dans le rôle de son meilleur ami Jurek, dont le statut de témoin oculaire fait de lui l’homme le plus recherché de Pologne. Przemyk est merveilleusement interprété par Mateusz Górski, un jeune sosie de Malcolm McDowell.
Mais Grzegorz et Jurek ne sont pas des moutons. Ce sont deux aspirants poètes affables avec une bonne dose de rébellion. Mais dans la Pologne des années 1980, cela suffisait à vous faire tuer. Ce qui nuit encore plus à la cause de Grzegorz, c’est sa mère antisoviétique, Barbara Sadowska (Sandra Korzeniak), une célèbre poétesse connue pour avoir participé aux rassemblements de Solidarité aux côtés de Lech Wałesa et consorts. Lors d’un rassemblement violent, la police la prévient qu’elle va s’en prendre à son fils. Un jour, Grzegorz et Jurek sortent pour rencontrer des amis et les adolescents sont jetés à l’arrière d’une camionnette. La procédure judiciaire et le scandale national qui ont résulté de la mort de Przemyk ce jour-là constituent l’essentiel du sujet de Varsovie 83 – Une affaire d’état, adaptation d’un livre non fictif publié en 2017 par le journaliste Cezary Lazarewicz. D’une durée de 160 minutes, les procédures sont présentées de manière très détaillée. Mais ce que Varsovie 83 – Une affaire d’état veut vraiment creuser, c’est l’éthique de ces procédures. Lorsque Jurek est contraint de témoigner devant un tribunal bidon et fait le serment de dire “toute la vérité”, qu’est-ce que cela peut bien signifier ?

Un procès qui ne sert à personne.

El famoso “liberté d’expression”
Tomasz Kot (Cold War), fonctionnaire du ministère de l’Intérieur chargé de la dissimulation de l’affaire, est confronté à ces questions. Aux côtés de son patron Czesław Kiszczak (Robert Więckiewicz), ils se retrouvent en première ligne d’une guerre de relations publiques inattendue qui éclaire Radio Free Europe et la BBC. Heureusement, la presse polonaise est moins intéressée. Le journal d’État Prawda (“Vérité“) traite la mort de Przemyk comme un accident dû à l’alcool et se trompe même sur son âge. L’incompétence définit toute l’affaire. Lorsque Kot demande si c’est leur département qui a ordonné le meurtre, Kiszczak répond sans hésiter : “Si nous voulions vraiment nous occuper de lui, nous aurions envoyé des professionnels.” Le personnage de Kot est le plus intéressant, un symbole des faux témoignages qui sont devenus une institution nationale pendant la majeure partie du 20e siècle en Pologne. Matuszyńki a déclaré qu’il avait été contraint de couper de nombreuses scènes humoristiques (peu de personnes en dehors de la Pologne savent que Kot est généralement un acteur comique) mais il est difficile d’imaginer à quoi elles ressembleraient. Malgré tout, un humour à la Burn After Reading est présent dans certaines parties de Varsovie 83 – Une affaire d’état, un film amèrement ironique et triste qui provoque finalement le chagrin plutôt que le rire. Pour Matuszyńki, il s’agit d’un deuxième long métrage solide et d’une autre incursion dans les histoires vraies. Cela dit, il serait agréable de voir un réalisateur aussi créatif sur le plan visuel s’orienter également vers la fiction narrative.
Moins de dix ans après avoir quitté l’école de cinéma, la nouvelle coqueluche du cinéma polonais a déjà à son actif une participation aux Oscars et un titre au concours de Venise. De grandes œuvres pourraient l’attendre. Les autorités polonaises ont peut-être tenté de ne laisser aucune trace dans leur dissimulation du meurtre de Przemyk, mais ce film contient certainement des traces de promesses futures.
⭐⭐⭐⭐
Note : 3.5 sur 5.Varsovie 83 – Une affaire d’état au cinéma le 4 mai 2022