[CRITIQUE] Tout s’est bien passé – Farce suicidaire

L’humour noir est omniprésent dans ce Tout s’est bien passé étonnamment désinvolte sur l’euthanasie, adapté par François Ozon des mémoires d’Emmanuèle Bernheim (dont les livres Swimming Pool et Vendredi Soir ont fait l’objet d’adaptations convaincantes sur grand écran). Cela donne lieu à quelques moments brillants, mais les émotions sous-jacentes ne sont jamais à la hauteur de l’énormité du sujet, malgré le rôle central magnétique de Sophie Marceau dans le rôle d’Emmanuèle.

André, le père d’Emmanuèle (joué par André Dussollier avec une mauvaise grâce espiègle), est victime d’une attaque cérébrale au début du film. L’alchimie entre lui et sa fille préférée, qui souffre depuis longtemps, est empreinte de vérité et d’amour. Il y a une autre fille, Pascale (Géraldine Pailhas), qui est légèrement jalouse de leur intimité, et une mère sculptrice en permanence déprimée, Claude (Charlotte Rampling). L’un des moments les plus drôles du film est lorsqu’elle, au regard félin perçant, fixe André, qui vient d’être hospitalisé et qui est clairement à moitié paralysé, et dit : “Je trouve que ton père a l’air bien”. Sa lenteur catatonique confère à ce film étrangement jovial un changement de rythme poignant et bienvenu. André n’a aucune patience pour être un patient, et il ne tarde pas à demander à Emmanuèle de l’aider à mourir. D’abord furieuse, elle se ravise et se penche sur les aspects juridiques avec l’aide de Pascale et de l’avocat de la famille. Cet élément procédural est exécuté sur le même ton que si Emmanuèle cherchait un traiteur pour l’une de ses manifestations littéraires. Entre deux visites à l’hôpital, la facilité de son mode de vie bourgeois crée un sentiment de confort, ce qui donne lieu à des scènes plates et sans enjeu. Bien qu’il y ait des moments où les émotions surgissent, la plupart du temps, Marceau doit garder son calme et continuer à faire face à la bureaucratie du suicide.

“Je trouve que ton père a l’air bien”

Hanna Schygulla, icône de la nouvelle vague allemande et muse de Rainer Werner Fassbinder, apparaît en tant qu’administratrice de la clinique suisse que les sœurs choisissent pour leur père. Sa présence suggère un niveau d’irrévérence qui n’est jamais atteint dans ce qui ressemble à un film superficiel d’Ozon. La tension que l’on retrouve dans son film Swimming Pool de 2003 est ici insaisissable, car la surface contient la totalité de l’intrigue. Le seul élément évoqué est la question de la sexualité d’André et l’identité d’un autre homme. La révélation est inutilement prévisible. Dussollier a les répliques et les moments les plus juteux. Désabusé de la vie, il s’illumine comme un sapin de Noël lorsque les discussions portent sur sa mort imminente. Son appétit pour les puddings fait que la cuillère est souvent à mi-chemin de sa bouche lorsqu’il parle de fixer une date pour son aller simple à la clinique suisse. Les flashbacks de l’enfance d’Emmanuèle révèlent qu’il a toujours été un peu voyou, mais l’amour que ses filles lui portent n’est jamais remis en question.

La représentation de la tolérance et de la relativité morale induite par des parents malades et mal élevés est une force inhérente à la source littéraire du film, ce qui conduit à quelques moments forts qui montrent ce que le film aurait pu être si son créateur avait été plus intéressé par la création de couches émotionnelles. Au lieu de cela, nous nous retrouvons avec une farce bizarre. C’est l’histoire d’un homme dans l’ombre de la mort, mais le film est trop léger pour que la faucheuse puisse s’y intéresser.

Note : 2 sur 5.

Tout s’est bien passé au cinéma le 22 septembre 2021

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