[CRITIQUE] The Pod Generation – C’est pas ce qu’on Vœuf

Dans ces moments d’apothéose, la dystopie a le pouvoir de nous transporter vers des contrées lointaines, de susciter une introspection sur notre condition humaine et d’éveiller des émotions abyssales en nous. Cependant, à l’occasion, il peut également nous laisser perplexe, déçus, et nourrir notre frustration. Tel est le triste sort du long métrage The Pod Generation, signé par la réalisatrice Sophie Barthes (qui nous avait déjà bien déçu avec son biopic Madame Bovary), qui se dressait fière de son scénario, lequel s’avère être un cuisant échec.

Le récit amorce son voyage avec des aspirations vertigineuses, déployant devant nos yeux un avenir saturé de technologie, où des innovations audacieuses bouleversent la manière dont nous concevons et éduquons notre progéniture. La dualité entre Rachel et Alvy aurait pu constituer l’axe central d’une méditation profonde sur la position de l’humanité dans un monde inexorablement technologique. Cependant, le film délaisse cette quête de sens pour se contenter d’une esthétique futuriste étincelante, de gadgets ultramodernes et de costumes impeccables. Un exemple flagrant de cette déception surgit lorsque le couple s’engage dans une joute verbale sur les mérites de la technologie par rapport à la nature. Malheureusement, cette confrontation, qui aurait pu être le point d’orgue du conflit entre ces protagonistes, se résume à des discours superficiels et à des clichés. Le film frôle à peine la surface des thématiques qu’il aspire à explorer et ne cesse de nous frustrer.

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Les performances solides d’Emilia Clarke et Chiwetel Ejiofor peinent à briller, étouffées par un scénario insuffisant. Rachel, supposée incarner les dilemmes des femmes modernes face à leur carrière et à leur désir de maternité, reste en surface. L’écriture introduit le conflit entre ses aspirations professionnelles et sa quête de maternité, mais elle s’abstient d’explorer profondément cette dualité. C’était pourtant l’occasion d’ausculter les sacrifices et les choix épineux que maintes femmes affrontent. Ce n’est qu’un superficiel effleurement. Alvy, le botaniste investi du rôle de chantre de la nature, souffre lui aussi d’une sous-exploitation flagrante. Là où Sophie Barthes aurait pu approfondir sa caractérisation, en faisant de lui un vecteur éloquent de la critique de la technologie, tristement, ici encore, son personnage apparaît artificiel et peu convaincant.

Sans compter que le scénario est un labyrinthe narratif complexe. Les fils conducteurs de la technologie, de la parentalité, et de la relation entre l’homme et la nature s’entremêlent de manière désordonnée, engendrant des contradictions et des transitions abruptes. The Pod Generation oscille entre divers genres, passant de la comédie au drame sans cohérence substantielle. La scène de l’accouchement, censée être une apothéose dramatique, se trouve entrecoupée d’essais laborieux de comédie, générant une dissonance tonale – et un peu de gêne, il faut se l’avouer. Le point culminant s’avère être particulièrement problématique. Après avoir semé les germes de conflits et de dilemmes captivants, le récit semble se précipiter vers une conclusion artificielle qui nous laisse insatisfait. Les choix narratifs semblent être dictés par la confusion plutôt que par une réflexion authentique sur les thèmes explorés. On dirait même que la réalisatrice voulait mettre en image son concept, sans avoir réfléchie au préalable à sa finalité et ses conséquences.

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Le long-métrage se présente comme une satire de notre dépendance croissante à la technologie, mais il néglige d’approfondir cette critique. Les interactions avec l’intelligence artificielle et la gigantesque société technologique demeurent inutiles quand bien même elle aurait pu être importante. Le personnage de l’intelligence artificielle, supposé incarner une menace pour le couple, reste en retrait, dénué de la substance nécessaire pour susciter l’inquiétude. Le potentiel d’une satire incisive de notre réalité contemporaine (surtout quand voit une partie de l’industrie lutter contre l’IA) est ainsi gaspillé. Cette dystopie de science-fiction déçoit amèrement. Elle brosse une vision alléchante du futur, mais elle faillit dans sa mission d’exploration approfondie des thèmes qu’elle effleure. Même les interprétations fortes d’Emilia Clarke et de Chiwetel Ejiofor ne parviennent pas à pallier une intrigue embrouillée et une caractérisation lacunaire. La satire technologique demeure à la surface, laissant en friche le potentiel prometteur d’un bon épisode de Black Mirror. La conclusion n’aide pas. Elle se perd dans un enchevêtrement de rebondissements incohérents et artificiels, nous laissant avec un arrière-goût d’inachèvement. Plutôt que de fournir des réponses aux questions soulevées, la cinéaste préfère les éluder, creusant un vide narratif difficile à pardonner – surtout après presque deux heures.

The Pod Generation est un échec retentissant en matière de dystopie. Au mépris de quelques idées intrigantes et des performances dignes, il échoue dans sa tentative de les traduire en une expérience satisfaisante. Les thèmes sous-jacents sont effleurés, l’intrigue est embrouillée, et la satire demeure en surface. Une opportunité précieuse d’explorer la relation complexe entre l’humanité et la technologie s’est dissipée, en résulte une longue sieste régénérante dans ce doux cocon qu’est la salle de cinéma.

 The Pod Generation de Sophie Barthes, 1h51, avec Emilia Clarke, Chiwetel Ejiofor, Rosalie Craig – Au cinéma le 25 octobre 2023.

5/10
Note de l'équipe
  • Louan Nivesse
    3/10 Simple comme nul
    On dit souvent qu'on ne fait pas d'omelette sans casser des œufs, The Pod Generation m'en a cassé deux - ce n'était pas très agréable.
  • JACK
    6/10 Satisfaisant
    Les sourcils supra-expressifs d'Emilia Clarke apportent un peu de chaleur au monde morne de The Pod Generation, comédie d'anticipation dans laquelle Sophie Barthes grossit le rejet de la nature par le genre humain. Réalisation soignée et comédiens convaincants.
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