[CRITIQUE] The Lost Daughter – Sur la plage Colman câline

Leda, une professeure de littérature, arrive sur une somptueuse île grecque, accompagnée uniquement de ses livres. Jouée par une Olivia Colman à bout de souffle, elle s’inquiète et erre seule, repoussant toute tentative d’interaction sociale de la part des habitants. C’est sur les conséquences de sa témérité que repose le poids de The Lost Daughter. Comme un luxe que peu de réalisateurs débutants peuvent se permettre, Maggie Gyllenhaal s’appuie sur des acteurs primés tels que Colman et Jessie Buckley, qui incarne une Leda beaucoup plus jeune, pour imprégner le récit romanesque de rosée émotionnelle.

Même si le film se débat avec les flashbacks de l’histoire, il parvient, dès le deuxième acte, non seulement à mettre en parallèle les lignes temporelles du passé et du présent, mais aussi à animer les images dont Leda se souvient, en troquant leur signification pour un affect très émotionnel. Une rencontre avec Nina (Dakota Johnson), qui a perdu sa fille sur la plage, fait apparaître une série de souvenirs traités en parallèle par Leda, qui, plus tôt dans sa vie, a également perdu sa propre Bianca sur une plage isolée. Une rencontre fortuite rapproche Leda (malgré ses réticences) de la grande famille turbulente de Nina, pour qui l’île est une seconde maison. Des événements de toutes sortes semblent ramener Leda à une époque révolue : qu’il s’agisse d’une poupée griffonnée, d’un juron prononcé par impuissance ou d’un regard sur une liaison extraconjugale. Tout ce que Leda voit lui est renvoyé et les séquences de souvenirs fonctionnent comme des plans inversés par rapport aux choses dont elle vient d’être témoin. Même si une telle décision de mise en scène prépare Gyllenhaal à une structure narrative plutôt chaotique et illisible, la compétence de Colman et Buckley à jouer des personnages féminins exubérants dans une routine a renforcé les effets émotionnels du film.

Old by M. Night Shyamalan.

Le film lui-même, composé de regards silencieux, de beaucoup de voyeurisme et d’échanges sporadiques, mais nécessairement bruyants, fonctionne bien en tant que pièce indépendante grâce à l’utilisation fébrile de la caméra épaule et des travellings d’Hélène Louvart (Happy as Lazzaro) et aux compositions désordonnées de Dickon Hinchliffe. À en juger par les qualités émouvantes de ces procédés, l’esthétique du film convient bien aux remarques de Ferrante sur les cycles de lésions psychologiques perpétuées (involontairement) par l’amour familial. Dans La Fille perdue, les éclats semblent formateurs pour toute situation sociale, où filles et femmes, filles et mères sont souvent montrées sous leur pire jour. Les enfants capricieux, les mères impatientes, la jalousie et les déceptions inéluctables ne sont que quelques-unes des situations couvertes par les débuts de Gyllenhaal, qui semble croire fermement en l’expression des vérités gênantes sur les nombreux rôles sociaux d’une personne. Grâce aux flashbacks, nous apprenons que le succès scientifique de Leda en tant que traductrice d’Auden et de Yates en italien l’a amenée à l’amant passionné, le professeur Brady. Peter Sarsgaard incarne la quintessence du bel universitaire, dont la présence amplifie le désir de Leda de laisser sa famille derrière elle et de poursuivre sans complexe une vie solitaire.

En donnant du pouvoir à ses personnages féminins avec une honnêteté impitoyable, le film laisse également la place au doute de soi, un trait d’authenticité qui pourrait potentiellement compenser les inégalités de l’intrigue. Malgré ses incohérences, The Lost Daughter reste un premier film impressionnant, suffisamment audacieux pour remettre en question toute hypothèse concernant ses protagonistes. Le maintien d’une ambivalence aussi puissante est un accomplissement de haut niveau qui relie également les nombreuses et brillantes collaborations qui ont façonné le film tel qu’il est.

Note : 3 sur 5.
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