Surge est une expérience sensorielle profonde avec en son centre une force de la nature en la personne de Ben Whishaw. Sa performance dynamique porte ce film pendant une heure et demie d’indulgence hédoniste. Les envies sont satisfaites, les passions assouvies et les contraintes sociales abandonnées. Le scénariste et réalisateur Aneil Karia est à la fois observateur, complice et documentariste dans un film qui aurait pu être réalisé par Anthony Dod Mantle. Il y a un style libre dans Surge, qui imprègne chaque seconde d’une puissante électricité.
Des rues de Londres aux réceptions de mariage dans les hôtels, Joseph est propulsé par un besoin insatiable qui fonctionne sans conséquence. Le directeur de la photographie Stuart Bentley embrasse le chaos et communique cette imprévisibilité en s’attachant à l’état émotionnel de Joseph. Sa caméra est un observateur itinérant qui cherche à savourer chaque instant de cet exercice d’excès. Les couleurs sont vibrantes, sursaturées et les teintes naturelles.
Tout ce qui se passe dans ce microcosme d’indifférence humaine est le résultat de l’isolement. Joseph est ignoré par ses collègues de travail, rabaissé par sa famille et a du mal à interagir. Grâce à une combinaison de tics faciaux, d’efforts hyperventilés et de choix d’interprétation osés, Ben Whishaw se réinvente. Q, de la franchise Bond, est banni et remplacé par une boule de névrose. Ellie Haddington et Ian Gelder sont les parents, qui reflètent le comportement de Joseph tout en étant moins parentaux.
Leur indifférence est reflétée par les Londoniens qui choisissent d’ignorer, de traverser la route ou de penser au pire. Du début à la fin, il y a très peu de répit, car Joseph disparaît au fond de son trou pour s’amuser. Seule Lily, jouée par Jasmine Jobson, offre quelque chose de proche de la compagnie dans une seule séquence qui laisse entrevoir une rédemption. Pour beaucoup, cette structure apparemment aléatoire s’avérera soit intrigante, soit malvenue.
Au premier regard, tout semble désordonné. Les rencontres semblent arbitraires, tandis que l’état mental de Joseph est incertain et que les événements semblent sans lien entre eux. Si Surge est structuré, possède un scénario et semble pourtant fondamentalement improvisé, c’est grâce à un ensemble stupéfiant. En faisant de la banalité un élément essentiel du mélange, le réalisateur Aneil Karia donne vie à un paysage londonien qui s’accroche à Joseph comme une vermine. Cela ne fait qu’alimenter son incertitude et accroître la tension palpable qui crépite à l’écran. Alors que ses escapades deviennent plus effrontées dans leur férocité, Surge commence à ressembler à une version indé dépouillée de Chute Libre.
Le besoin de se conformer maintient les individus dans le droit chemin. S’écarter de ce chemin a des conséquences que les gens normaux ne sont pas prêts à affronter. Joseph offre au public une expérience cathartique sans se salir les mains. Le style documentaire et le numérique en steady-cam permettent à ces cinéastes une immense liberté de création. La liberté de faire réfléchir le public, de faire parler les gens et de rendre ce récit édifiant obligatoire.
⭐⭐⭐
Note : 3 sur 5.Surge sur OCS le 6 décembre 2022.