Nouvelle sortie de la semaine, Sur les Chemins noirs, est le dernier long-métrage de Denis Imbert. Une œuvre attendue car adaptée d’un livre du même nom écrit par Sylvain Tesson et vendu à plus de 500 000 exemplaires. Pour porter le rôle-titre on retrouve Jean Dujardin, qui incarne un écrivain en quête d’inspiration dans la diagonale du vide, soit les régions françaises les moins peuplées de France. Les chemins noirs se sont donc ces itinéraires que l’on représente comme de minuscules filins noirs sur les cartes IGN 1/25000e. Des routes que Sylvain Tesson, et Jean Dujardin, parcourent au gré des rencontres et des pensées sur des sujets plus ou moins existentiels comme la ruralité, le sens de la vie, la masculinité ou encore l’écologie. Cette expédition à la campagne pour Dujardin se révèle assez vite être mitigée, et il est intéressant de comprendre le pourquoi du comment.
Nous ne sommes pas convaincus par cette errance de Dujardin dans le jardin. Alors bien sûr le film à quelques points à défendre comme un montage passionnant alternant passé et présent en liant ces séquences par des éléments sonores ou visuels, des récurrences intéressantes pour développer le personnage et ses pensées. On peut également saluer la superbe photographie qui a l’avantage d’avoir à disposition des paysages grandioses. Bien évidemment la caméra fait ressortir ce gigantisme, servant un propos sur la futilité de l’être humain. Ensuite il y a bien sûr cette interprétation convaincante de l’acteur oscarisé, notamment grâce des détails qui font du protagoniste un personnage de cinéma crédible et intéressant. Pourtant toute la superficialité de l’œuvre vient justement de ce personnage, inspiré de Sylvain Tesson, un auteur qui après un grave accident essaye de se remettre de ses pensées en traversant une partie de la France. Sur les chemins noirs adapte donc une autobiographie, un genre particulièrement intéressant sur lequel nous nous devons de revenir pour ce papier. Les biographies historiques ou contemporaines ont l’avantage de mettre le focus sur un personnage particulier, et donc sur l’univers qui l’entoure avec un regard ou un angle d’attaque particulier. Une autobiographie est forcément différente puisque le personnage en question est aussi auteur de son scénario. Ce sont des œuvres qui se multiplient de plus en plus au fil des décennies et il est primordial de se demander pourquoi écrit -on une autobiographie ? Pour faire découvrir son propre milieu. Ses exploits ? Ses pensées personnelles ? Ou alors, ce qui est bien plus intéressant, pour se découvrir soi-même en chemin ? Malheureusement dans le cas de notre long-métrage du jour, le personnage sait déjà qui il est et souhaite le faire ressentir aux lecteurs-spectateurs, notamment par le biais d’une voix off intrusive.
Cette autobiographie se concentre donc bien plus sur un personnage, écrivain parisien souhaitant se mettre au vert, plutôt que sur le milieu en question : les chemins noirs justement. La faiblesse du film se trouve dans cette hypocrisie, faire semblant de vouloir parler des régions rurales françaises pour sans cesse revenir par le biais de flashbacks, et de pensées du protagoniste, sur sa vie d’avant. Les personnages habitant les campagnes visitées ne servent qu’à appuyer les propos de Sylvain/Pierre/Jean Dujardin tandis que la diagonale du vide n’est au final qu’un décor interchangeable. Il y a dans cette superficialité quelque chose de presque insultant, de très faux et qui transforme le film en une œuvre traitre. Une trahison contre ses personnages, ses décors. Quelle hypocrisie.
Si l’on passe outre ce point inerrant aux autobiographies on peut tout de même profiter de la bonne scénarisation dont profite cette adaptation. Les flashbacks entourant le protagoniste sont touchants et éclairent son voyage de la plus grande des tristesses : celle d’un amour perdu. Et il faut bien avouer que malgré ses prises de positions subversives entre chaque film Jean Dujardin reste un acteur qui semble aimer sincèrement ses films, notamment par le plaisir qu’il prend à choisir scrupuleusement des rôles lui tenant à cœur. Alors certes on n’aime pas forcément la tournure que le long-métrage a adoptée mais reste certains qu’a l’origine, derrière ce projet, il y a eu à un moment donné une direction noble et sincère. Qui s’est probablement perdu au cœur des chemins noirs.
C’est quoi le cinéma autobiographique avec Sur les chemins noirs ? On est justement face à une œuvre qui sombre dans les mauvaises raisons d’écrire sur soi. Faire un éloge du Je, en abordant de trop nombreux sujets personnels, peut sembler indigent pour un spectateur extérieur. Mais surtout mettre de côté des régions trop souvent mises à l’écart nous agace. Les drames sur des écrivains urbains en panne d’inspiration ou de sens existentiel existent suffisamment sans devoir piétiner les tranches de vie rurale. C’est plutôt étonnant qu’une œuvre se targuant autant d’être proche de la vérité, doive autant se mentir à elle-même pour exister. Alors certes on y trouve quelques répliques bien écrites, des paysages sublimes et surtout une touchante interprétation, mais il y manque un quelque chose. Ce je-ne-sais-quoi se révèle au fil du film : une touche de sincérité et d’humilité.
Sur les chemins noirs de Denis Imbert, 1h35, avec Jean Dujardin, Joséphine Japy, Izïa Higelin – Au cinéma le 22 mars 2023.
Un commentaire
Il faut revoir votre géographie. La diagonale du vide c’est du Sud Ouest au Nord Est. Le chemin pris par Syvain Tesson / Jean Dujardin c’est du Sud Est au Nord Ouest.