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[CRITIQUE] Smile – Sourire à la vie

Un éclat de lumière blafarde, une salle d’hôpital où le silence se tend comme une corde, et ce sourire — figé, glacial, un rictus qui fend l’ombre, pénétrant comme une lame dans l’âme. Dès cette première image, Smile s’ouvre comme une plaie qui refuse de se refermer, laissant suinter une angoisse qui se tisse lentement sous la peau, infusant chaque scène d’une menace tapie, prête à dévorer. Dans cette lumière crue, le docteur Rose Cotter, incarnée par Sosie Bacon, se déplace comme une somnambule, prisonnière d’un quotidien minutieusement ordonné. Elle soigne des corps et des esprits en lambeaux, remplit sa vie d’un dévouement clinique, presque mécanique, comme pour combler une absence, un vide qui résonne dans les couloirs déserts de l’hôpital. Mais tout bascule quand Laura Weaver, une jeune femme aux yeux hagards, entre dans son bureau, portant sur elle le poids d’une terreur invisible. Le sourire étrangement figé de Laura, ses paroles heurtées, résonnent comme un écho malsain dans l’esprit de Rose : elle parle de visages qui se glissent dans sa vie, des spectres familiers et hostiles, un sourire scotché sur leurs lèvres, glaçant, irréel, comme une marque déposée par le cauchemar lui-même.

© Paramount Pictures

Et puis, dans un instant de silence tendu, Laura cède, se brise sous les yeux de Rose. Un geste brutal, métallique, et elle disparaît, laissant derrière elle une empreinte indélébile, une empreinte qui s’infiltre dans l’esprit de Rose comme un poison lent. Dès lors, ce sourire, ce masque étrangement figé, devient un parasite, une idée qui s’installe dans son esprit, un éclat de folie qui grandit, envahit chaque recoin de son existence. Les murs de sa maison, autrefois refuge, se resserrent autour d’elle, et les visages qu’elle croise se transforment, prennent cette expression sinistre, ce sourire qui semble vouloir la dévorer vivante. La routine de Rose s’effrite comme un papier jauni sous la pluie : son fiancé, autrefois pilier, devient un étranger inquiet ; sa sœur Holly détourne le regard, et même les couloirs familiers de l’hôpital se transforment en labyrinthes où chaque ombre semble prête à éclater en un rictus démoniaque. La ligne entre le réel et l’irréel se dissout, et Rose, seule au milieu de ces sourires immobiles, sait qu’elle doit plonger au cœur de cette malédiction pour espérer retrouver son esprit. Elle n’a d’autre choix que de traquer l’origine de ce sourire, de descendre dans les ténèbres où cette chose, ce parasite psychique, se nourrit de la peur et du souvenir.

Parker Finn, à travers Smile, étire cette hantise à la limite de la rupture. La narration s’emballe, déchirée entre passé et présent, mémoire et hallucination, et ce sourire, toujours là, comme un trou noir, absorbe la lumière, dévore le sens. Chaque scène est une toile tendue, où l’image reste suspendue juste assez longtemps pour que l’on sente la terreur se distiller dans le silence, avant de surgir, tranchante, dans des jump scares aux mouvements calculés, mais implacables. Et au centre de ce vortex, Sosie Bacon habite le rôle de Rose avec une intensité viscérale, une fragilité vibrante, comme un fil de soie prêt à se rompre. Ses yeux, grands ouverts, traquent chaque ombre, chaque reflet, guettant le moment où le sourire ressurgira, où l’angoisse viendra lui griffer la peau. C’est elle qui porte le film, unissant en elle toutes les peurs qui se cristallisent autour de ce rictus morbide. Avec Gallner, seul autre point d’ancrage fragile et humain, ils esquissent ensemble un duo fébrile, tentant d’affronter ce spectre souriant qui efface leur réalité.

Smile s’insinue, comme un venin, avec ses frayeurs maîtrisées et son atmosphère tendue à l’extrême. Finn laisse le sourire infuser, devenir ce spectre omniprésent qui ronge l’écran, un emblème d’une psyché qui s’effondre. Son film, miroitant entre cauchemar et réalité, s’enracine dans l’esprit et laisse une empreinte, une lueur grimaçante, qui persiste bien après que l’écran soit devenu noir.

Smile de Parker Finn avec Sosie Bacon, Jessie T. Usher, Kyle Gallner – Au cinéma le 28 septembre 2022

Article mis à jour et modifié le 14.10.24

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