Toujours ancré dans le minimalisme, le dernier film de Kelly Reichardt se distingue quelque peu de ses précédents en ne donnant que peu d’importance aux environnements extérieurs. En effet, la cinéaste se plaît avant tout à filmer les contrées d’Oregon pour situer ses récits. Toutefois, Showing Up2023 est un autre récit intime, où il est conté le quotidien d’une artiste, préparant le vernissage de son exposition alors que son environnement social et familial semble s’effondrer.
Complètement situé dans l’épure, le film impressionne tant Reichardt poursuit d’une manière radicale son approche minimaliste, centrée exclusivement sur le personnage principal incarné par Michelle Williams. Il s’agit d’étudier ses faits et gestes, comprendre sa lassitude, et son blocage social avec les autres, à la manière de concevoir une sculpture que l’on voudrait rendre plus vivante. Fondamentalement, la réalisatrice ne filme que l’essentiel pour retranscrire au mieux si ce n’est dans une démarche naturaliste la frustration et les quelques moments de repos du personnage.
Showing Up2023 est un film presque théorique, où il s’agit davantage de contempler la manière de créer que de découvrir le résultat en tant que tel. Reichardt se permet d’alterner les registres, incluant beaucoup d’humour grâce au rapport humain-animal lié à l’oiseau qui accompagne les personnages. Comme une belle manière de représenter leur solitude constante, plutôt révélateur de leur fragilité à vouloir chercher de la compagnie, ce motif est récurrent au sein du long-métrage. L’artiste n’est ici jamais vraiment satisfaite de ses créations, et c’est bien en cela qu’elle ne peut réellement s’épanouir.
Michelle Williams excelle sans forcer son talent, bien aidée par la qualité de la mise en scène où les plans sont souvent resserrées sur ses expressions de visage. C’est un cinéma de détails, dont la beauté se révèle par l’absurdité des situations, l’incompréhension du comportement humain. Il n’y a pas plus d’explications au pourquoi le chat attaque l’oiseau, que le frère exilé sans personne. Le calme social représenté à travers le film est préfabriqué, présenté comme tel en début de film. Ce n’est que lorsque la sculpteuse se retrouve seule qu’elle ressent le besoin de reconstruire, créer.
La conclusion appuie la poésie du film à l’occasion d’une rencontre entre étrangers aux comportements et identités physiques tous différents, pourtant en cohésion. Par ce même hasard, l’oiseau parvient à s’envoler, alors guéri de sa blessure. Reichardt semble nous dire qu’il n’y a pas plus belle création que l’harmonie entre hommes et femmes, permise par l’insouciance. En cessant de s’inquiéter pour son frère et son travail, la jeune artiste parvient à décoller artistiquement et socialement.
Showing Up2023 ne fait pas l’unanimité, pour cause qu’il s’agit d’un cinéma exigeant. Les enjeux sont réduits au minimum, et la mise en scène se limite à l’essentiel. C’est également une proposition rare du cinéma hollywoodien, à encourager.
Showing Up de Kelly Reichardt, 1h48, avec Michelle Williams, Hong Chau, André Benjamin – Au cinéma le 3 mai 2023