[CRITIQUE] Shiva Baby – Bombe de Famille

L’histoire prend racine en 2017, lorsque Emma Seligman, alors immergée dans ses études cinématographiques à l’Université de New York, donne naissance à Shiva Baby dans le cadre de son projet de thèse. Ce court-métrage trouve son inspiration à la croisée de deux sources : les expériences personnelles de Seligman lors de shivas précédents et ses interactions avec des camarades de NYU entretenant des relations avec des « sugar daddies » pour subvenir à leurs besoins. Fusionnant ces deux thématiques, Seligman tisse une trame à la fois inconfortable, sombre et captivante, faisant du court-métrage une pièce remarquablement divertissante.

Un bond de trois années plus tard, Seligman orchestre son premier long-métrage en adaptant directement Shiva Baby : cette nouvelle incarnation, saluée dans les cercles des festivals de cinéma, s’inscrit dans la continuité de son succès précurseur. L’exemple, sublimé par une métamorphose du court au long métrage, se distingue rarement dans le panorama cinématographique actuel, mais Seligman relève brillamment le défi. Non seulement elle préserve l’essence du court-métrage originel, mais elle enrichit également les personnages et l’intrigue, façonnant ainsi l’une des comédies les plus éclatantes et des drames les plus saisissants de l’année.

Dans cette œuvre, les tribulations de Danielle (incarnée par Rachel Sennott) sont au cœur du récit. Malgré ses incursions dans les études de genre, après maintes bifurcations académiques et des sollicitations financières auprès de son « Sugar Daddy » Max (interprété par Danny Deferrari), Danielle se trouve en pleine crise existentielle. Au sein d’une assemblée funéraire, elle se retrouve confrontée à l’interrogatoire impitoyable de parents et amis indiscrets, éclipsée par l’ombre de son ex-petite amie Maya (interprétée par Molly Gordon), qui rayonne de réussite. La situation vire au cauchemar lorsque Max fait son apparition, accompagné de sa femme Kim (jouée par Dianna Agron) et de leur enfant, révélant ainsi une facette ignorée de Danielle. Entre révélations de secrets et dévoilement de vérités, ces épreuves mettent Danielle à rude épreuve, l’obligeant à affronter ses démons intérieurs et à s’affirmer enfin.

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Bien que le court et le long-métrage partagent des similitudes, ce dernier offre une palette plus étendue avec une profondeur narrative supplémentaire. Sous la direction de Seligman, la caméra, agencée de manière claustrophobe, traduit habilement le chaos intérieur de Danielle, alors qu’elle se sent prise au piège dans un tourbillon de pressions sociales. Les personnages, incarnations de névroses et de vanités, amplifient le malaise ambiant, chacun représentant un miroir exacerbé de l’angoisse de Danielle. Parmi eux, les parents de Danielle, dépeints par Jackie Hoffman et Fred Melamed, incarnent à la perfection l’arrogance parentale, tandis que Molly Gordon apporte une dynamique nouvelle en campant le rôle de Maya, révélant ainsi la profondeur de leur amitié passée. Enfin, Dianna Agron, dans le rôle de Kim, incarne l’élément étranger au sein de ce rituel shiva, insufflant une touche de différence dans cette toile familière.

Danielle résonne comme une figure archétypale de la génération millénaire, naviguant avec maladresse à travers les méandres de l’existence. Le cadre du shiva devient ainsi le théâtre de l’absurde, où se déploient les angoisses et les rires de cette comédie dramatique. Emma Seligman maîtrise avec brio cet équilibre délicat, capturant l’essence de ces situations déconcertantes, sans pour autant sombrer dans l’outrance. Shiva Baby transcende les étiquettes, s’affirmant tantôt comme une tragi-comédie, tantôt comme un suspens palpitant, mais demeure unanimement salué comme l’un des joyaux du cinéma indépendant contemporain.

Shiva Baby de Emma Seligman, 1h17, avec Rachel Sennott, Molly Gordon, Dianna Agron – Exclusivement sur MUBI

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