Dans son dernier long-métrage, Addicted To Romance, la cinéaste et auteure Rebecca Miller nous offre une œuvre qui oscille entre le burlesque et le tendre, tout en explorant les méandres de l’amour dans une comédie romantique à l’innocence absurde et au sérieux presque enfantin. À la manière des grandes comédies à la Woody Allen, celui-ci dépeint les vies entrelacées de personnages aussi excentriques que touchants, dans une version à deux tiers de la vitesse des classiques du genre. Miller, qui est plus reconnue pour ses drames et études de caractères complexes, dévoile ici une facette nouvelle et rafraîchissante de son talent de réalisatrice.
L’histoire tourne autour de Steven Lauddem (interprété de manière magistrale par Peter Dinklage), un compositeur d’opéra célèbre mais en panne d’inspiration, et de sa femme Patricia (jouée par une Anne Hathaway étincelante), une thérapeute new-yorkaise obsédée par la propreté et les nonnes. Leur fils, Julian (Evan Ellison), est amoureux de Tereza (Harlow Jane), dont la mère, Magdalena (Joanna Kulig), travaille comme femme de ménage chez les Lauddem. L’intrigue commence à rappeler les tumultes de la série Normal People de Sally Rooney, mais Miller parvient à la tisser avec une originalité rafraîchissante.
Le point culminant du film survient lorsque Steven a une brève aventure avec Katrina (incarnée avec panache par Marisa Tomei), une capitaine de remorqueur qui souffre d’une addiction romantique. Leur rencontre d’un après-midi inspire une opéra peu flatteuse à son sujet, ce qui entraîne une cascade de bouleversements dans la vie de tous les personnages. Les complications s’accumulent lorsque la relation de Julian et Tereza est découverte par le père de cette dernière, Trey (Brian d’Arcy James), un homme pompeux amateur de reconstitutions historiques en uniforme confédéré.
Addicted To Romance se déroule avec une élégance narrative, bien que parfois un peu fastidieuse dans sa recherche de comédie, rappelant ainsi la rigidité obsessionnelle de Patricia. Cependant, le film se démarque par sa quête de guérison et de réconciliation, plutôt que de s’enliser dans les clichés d’un mariage en temps réel ou dans la punition méritée de Trey, le beau-père insupportable. Cette touche de rêve et d’unité rend le film d’autant plus charmant, tout en offrant à Marisa Tomei l’occasion de briller – pas comme son rôle dans le MCU.
Rebecca Miller tisse une histoire fantaisiste avec des éléments d’opéra, de comédie burlesque et une touche d’absurde, tout en abordant des préoccupations dramatiques plus sérieuses liées à la menace qui pèse sur l’avenir d’un jeune couple amoureux. Cependant, l’équilibre entre ces différents aspects fait défaut, ce qui donne un film au ton inconstant où les éléments semblent légèrement décalés, et l’ensemble ne parvient pas à se fondre en une cohésion narrative harmonieuse. Bien qu’il prétende être une célébration de la ville de New York et de ses habitants excentriques, le film semble bien éloigné de la réalité des New-Yorkais, qu’ils soient vivants ou morts.
Malgré quelques faiblesses dans la trajectoire de certains personnages, notamment celle de Patricia, qui évolue vers une sorte de renaissance religieuse superficielle, et celle de Trey, le beau-père pétri de préjugés racistes, le film maintient un ton léger et optimiste. Addicted To Romance parvient à rester à flot malgré les éventuelles fuites dans l’intrigue, laissant au spectateur une note d’optimisme aigre-douce en conclusion. Il s’agit d’une œuvre qui célèbre l’absurdité de l’amour et la complexité des relations humaines, tout en rappelant que Rebecca Miller est une réalisatrice audacieuse et talentueuse qui ose explorer des territoires émotionnels inattendus. Un plaisir discret.
Addicted To Romance de Rebecca Miller, 1h42, avec Anne Hathaway, Marisa Tomei, Peter Dinklage – Le 7 février 2024 en VOD