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[CRITIQUE] Scream (2022) – Coupez !

Pour Wes Craven.

Une des premières phrases de ce nouveau Scream est « C’est encore Wes qui t’appelle ? ». Mais cette fois le jeu a changé, plus de Wes Craven pour diriger ce nouveau volet de la saga horrifique. À la place du maître de l’horreur, on trouve un duo de réalisateurs composé de Tyler Gilett et Matt Betinelli-Olpin. Et avant même la sortie du film, j’avais trouvé cela très rassurant, tant le duo sait parfaitement travailler ensemble sur le genre. Leurs segments sur V/H/S ou 666 Road étaient inventifs et maîtrisés, tandis que leur très récent Wedding Nightmare est l’un des très grands films d’horreur de l’année 2019. Un superbe survival venant déconstruire (comme régulièrement dans le genre) la famille américaine. Leur arrivée sur ce projet d’un nouveau Scream, après le décès de Wes Craven qui avait pourtant initié le projet, m’a alors plu, tant les deux cinéastes sont des étoiles montantes de l’horreur américaine. Ma première inquiétude est apparue lorsque Kevin Williamson, le scénariste historique de la saga qui avait d’ailleurs écrit plusieurs jets pour ce nouvel épisode, s’est mis un poil en retrait du projet pour devenir producteur du film. Le nouveau scénario est alors réécrit par James Vanderbilt (Zodiac et The Amazing Spider-Man 1 et 2) et Guy Busick. Ce nouveau volet de Scream était donc un projet difficile à réaliser et qui a été mûri pendant plusieurs années, mais est-ce un pari réussi ?

Scream divise. Ce nouveau volet est unanimement apprécié par les critiques américaines, tandis qu’en France l’accueil a été bien plus froid. Un accueil qui, selon moi, n’est absolument pas mérité. Je comptais passer Scream, j’avais envie d’aborder un point important avec vous : les attentes que l’on a d’un film. C’est un facteur extrêmement important qui influe sur notre critique et notre perception de l’œuvre en question. Quelles étaient donc mes attentes sur Scream ?

Récemment, dans une scène de Matrix Resurrections, une équipe de développeurs se demandait (de manière extrêmement métamorphique) ce que représentaient les anciens films Matrix pour eux. Ils évoquaient alors entre eux ce qu’est la trilogie originale pour les fans : des scènes d’actions impressionnantes, des réflexions philosophiques et de grandes métaphores sur la technologie et la transsexualité. Faisons donc la même chose avec Scream et demandons-nous qu’est-ce que Scream ? Scream, c’est avant tout une saga qui a relancé la mode des slashers en jouant avec leurs codes originaux. Une saga où les personnages connaissent les films du genre comme Halloween ou Vendredi 13, mais malgré tout, ils ne peuvent échapper au massacre. Ce sont donc des films métas, mais qui savent pourtant rester de bons slashers : les personnages ont beau connaître les règles du jeu, ils continuent pourtant de perdre encore et encore. Si j’aime autant les Scream, c’est parce qu’ils réussissent justement à nous mettre à la place des personnages. On cherche l’identité du tueur avec eux, on essaie de repérer d’où va venir la prochaine attaque et surtout où se cache l’assassin. La mise en scène et les effets sonores font du film un jeu macabre, où l’on observe de manière paranoïaque les portes et les fenêtres près des personnages. On a beau savoir ce qui peut arriver, Scream arrive à nous surprendre, à faire peur.

En plus de cela, Scream était différent des autres séries de slashers car elle se détachait du tueur mythique comme peuvent l’être Freddy, Michael ou Jason. Ici, ceux qui restent de films en films ce sont les protagonistes et notamment la figure de la Final Girl qu’incarne Sidney. Les figures de Final Girl, littéralement la dernière survivante, elles sont légion dans le cinéma de genre : Ripley dans Alien ou notamment Laurie Strode dans Halloween, mais Sidney Prescott de Scream a toujours eu une force particulière. Elle lutte contre les tueurs et réussira même à en tuer plusieurs. Scream, ce sont également des personnages qui évoluent au fil des films, avec qui l’attachement est naturel, comme la journaliste Gale Weathers qui devient de plus en plus altruiste, tandis que son compagnon le shérif Dewey deviendra lui de plus en plus courageux. Scream, c’est un mélange complexe et le reproduire n’est pas une chose facile, alors j’étais inquiet pour ce nouveau volet. Et pourtant, j’en ressors conquis.

Les voilà donc mes attentes pour ce nouveau volet : un pur slasher jouant pourtant avec les codes du genre et du teen-movie. Un whodunit où l’on est sans cesse à la place des personnages, une pointe de méta et une dose de mes personnages préférés. Je n’attendais pas du film qu’il réinvente la saga, j’attendais seulement de lui qu’il la poursuive. Alors Scream tient-il ses promesses ? Tout d’abord, en tant que slasher, il se tient extrêmement bien. Un bodycount élevé où les meurtres s’enchaînent, de façon parfois très graphique, notamment lors de cette scène où un couteau traverse lentement la trachée d’un personnage. Scream revient à des meurtres brutaux et violents, qui s’enchaînent de manière fatale sur les personnages. Piégés à l’intérieur du film avec eux, on passe notre temps à observer si le tueur se cache derrière chaque porte de réfrigérateur, de garage ou de douche. « Tu connais les règles pourtant ! Prends le pouvoir », dit un personnage aux protagonistes du faux-film STAB. Pourtant, ce message s’adresse également à deux autres niveaux de lecture : aux personnages du film Scream et aux spectateurs de ce dernier. On a beau essayer de se préparer à tout, on finit pourtant par se faire surprendre encore et encore. Ce nouveau volet de Scream est un slasher violent et généreux.

Sa dimension teen-movie est moins travaillée que dans les précédents films, mais il réussit tout de même à présenter une galerie de personnages facilement identifiables, presque caricaturaux. Mais c’est justement ce qu’on attend d’un Scream : des archétypes de petit ami gentil, de grand sportif un peu idiot, une fan de film d’horreur, etc. Et le retour des anciens personnages est réussi, mais surtout logique. On est heureux de les revoir, ils ont appris de leurs erreurs et ont donc bien plus de chances de survivre à ce massacre. Pourtant, ce nouveau volet de Scream n’est pas là pour être tendre avec notre nostalgie : il va les mettre en danger, et ne pas se contenter de les faire figurer ici et là. On pense au personnage de Dewey qui va avoir une de ses plus belles scènes dans cet opus (son thème principal étant toujours aussi plaisant à écouter). Scream n’est pas un film tendre et il en est conscient. D’ailleurs, il l’est même un peu trop, son côté méta est cette fois-ci à la fois trop appuyé et pourtant pas assez approfondi. Il vient sans cesse nous expliquer les décisions des scénaristes et des réalisateurs alors qu’il n’en a pas besoin. Il sait être parfois juste, notamment lorsqu’il explique les différences entre les slashers classiques et des films d’ambiances récents comme Hérédité, It Follows ou Babadook. Pourtant, il est moins juste lorsqu’il tente de parler des attentes des fans, presque trop lourd et surtout trop explicite pour un film qui parle sans cesse d’avancer masqué.

Ce nouveau volet souffre de plusieurs défauts comme l’utilisation absolument ignoble d’un « revenant » en CGI qui n’est pas du tout crédible. Ou encore des incohérences comme le jour et la nuit qui s’interchangent entre deux scènes comme s’il n’y avait rien d’étrange ? Et on se demande comment de telles erreurs ont pu atterrir dans une salle de cinéma. Mais malgré tout, je l’aime beaucoup ce volet. Voir des personnages attachants retourner là où tout a commencé, pour essayer d’en finir. Assister à un véritable slasher où les meurtres s’enchaînent sans fin. Enquêter avec les personnages pour trouver où se trouve l’assassin. Et surtout revoir Sidney et Ghostface après tant d’années. Scream version 2022 vaut le coup rien que pour ses répliques badass comme « Maintenant bienvenue dans le troisième acte » ou ce fameux « Bonsoir Sidney ». Pendant deux heures, on est avec les personnages au sein même de Scream, à connaître les règles du genre sans pouvoir stopper le massacre. Je suis heureux de t’avoir retrouvé, Scream, et j’espère te dire à bientôt pour un sixième volet.

Scream de Matt Bettinelli-Olpin et Tyler Gillett, 1h55, avec Neve Campbell, Courteney Cox, David Arquette – Au cinéma le 12 janvier 2022

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