[CRITIQUE] Sage Homme – Loin d’être tout rose

Nous voilà dans un monde où domine le féminin et où le masculin peine à trouver sa place parmi ces tenues roses. Un monde où les tendances s’inversent et où l’homme se sent de trop. Un contexte presque inimaginable dans notre société et pourtant, il s’agit de celui auquel est confronté notre jeune protagoniste.

Léopold (incarné par Melvin Boomer), étudiant en études de santé, voit ses rêves s’effondrer et sa vie perdre de sa couleur à la suite du verdict tombé : il n’a pas eu sa première année de médecine. Le voilà face à son choix par dépit qui n’est autre que la maïeutique. Coincé entre les quatre murs d’une école de sage-femmes qu’il intègre avec pour seul but en tête d’emprunter la passerelle au bout de deux ans, le jeune homme est confronté à un monde bien nouveau. Des études dans le domaine de la santé, certes, mais qui ne l’intéressent en aucun point et qu’il cache bien évidemment à son entourage proche.

© Warner Bros. France

Cette comédie dramatique paraît au premier abord d’une banalité sans nom : un jeune homme de banlieue, se retrouve dans un domaine nouveau dans lequel il sera pris sous l’aile d’une femme blanche qui va lui faire découvrir cet univers où elle excelle. Un film qui pourrait laisser à désirer selon cette bande-annonce laissant sous-entendre cette répétition scénaristique. Néanmoins, il suffit d’un visionnage pour comprendre que ce dernier cherche finalement à nous démontrer tout autre chose. Mêlant à la fois la perception du métier de sage-femme dans notre société, son importance et sa minime reconnaissance mais aussi le fonctionnement bancal de l’hôpital public.

La sage-femme est la personne chargée d’accompagner une grossesse tout au long de celle-ci. Nous noterons l’absence volontaire de tiret dans le titre Sage Homme, un titre qui pourrait s’apparenter comme quelque peu maladroit mais finalement un simple jeu de mot sur la situation du personnage principal. Ce métier ainsi trop peu reconnu et pourtant primordial puisqu’il s’agit du premier du corps médical auquel chaque être humain est confronté dans sa vie, voit dans ce film une représentation importante de ce milieu. Le visionnage de celui-ci nous met face (de façon romancée) à la réalité des choses. La perception du métier de sage-femme dans notre France actuelle est perçue comme pleinement féminine. Un métier, selon la hiérarchie médicale établie dans la tête des individus, comme se retrouvant au bas de l’échelle. Le protagoniste en est le premier concerné, cacher ses études à son père qu’il trouve trop macho pour comprendre ou même refuser de porter cette blouse rose montre bel et bien qu’il ne représente que ce que la majorité des individus pensent. Les pensées encore idiotes d’une société patriarcale sont volontairement ancrées dans le film. Idée que l’on retrouve avec les étudiantes l’accompagnant, des jeunes filles débutantes dans le milieu faisant des remarques sur le féminisme ou encore sur le physique des patientes, sans réellement avoir conscience de ce métier qu’elles ne pratiquent pas encore.

© Warner Bros. France

Léopold, dû à sa mauvaise volonté aux prémices du film, se retrouve à faire tout ce qu’un étudiant nouveau dans le milieu fait : ne touche à rien si ce n’est pour faire du rangement ou du nettoyage et est ignoré par ses supérieurs, s’ajoute à cela les remarques de ses camarades féminines sur sa présence masculine dans ce milieu essentiellement composé de femmes. Cependant, au fil du film, peut-être un petit peu rapidement il est vrai, le jeune homme s’investit pleinement dans ses cours et à l’hôpital. Sous la tutelle de Nathalie (incarnée par Karin Viard), sage-femme appréciée et vénérée par son investissement humain et ses années d’expérience, Léopold parvient à trouver sa place dans cet univers en enchaînant rendez-vous, échographies et accouchements.

Nathalie étant le personnage phare permettant au jeune homme de s’immerger pleinement dans le milieu, est bien évidemment victime du drame scénaristique. À la suite d’un accouchement complexe, Nathalie se retrouve face au dilemme cornélien : sauver une vie en enfreignant les règles ou alors respecter le règlement au détriment d’une vie humaine. La confrontation à la réalité des hôpitaux publics et de leur manque de moyen à la fois matériels et budgétaires constituent la critique explicite émergente du long-métrage. Même si découle de la situation, une rationalité d’un choix plein de vie et de bon sens, l’administration publique tranche et privilégie ce qui sonne comme sensé pour l’hôpital public. Le sort de notre sage-femme est donc scellé. Une décision qui ne laisse pas indifférent le protagoniste, changeant ainsi sa vie à l’hôpital, mais également sa vie privée, sentimentale et émotionnelle.

© Warner Bros. France

Malgré quelques maladresses, des scènes que l’on pourrait qualifiées comme banales que l’on retrouve dans toutes les comédies dramatiques françaises ou encore des romances peu pertinentes, le film de Jennifer Devoldere reste aussi beau dans son propos que dans ses images. Accompagné d’une bande originale agréable et d’une colorimétrie plaisante, ce long-métrage balade notre esprit autant dans la joie que dans la tristesse.

Sage-homme de Jennifer Devoldere, 1h40, avec Karin Viard, Melvin Boomer, Steve Tientcheu – Au cinéma le 15 mars 2023.

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