” I missed you my friend”
A Harold Ramis.
Enfant je regardais en boucle les S.O.S. Fantômes, mon père était un grand fan des films et il possédait une superbe édition de chacun de ces deux films. Je connais encore par cœur les répliques et je revois régulièrement ces films. Les films de fantômes sont des œuvres qui viennent toucher personnellement les spectateurs, et cela depuis la création du cinéma. Le genre du fantôme est l’un des tout premiers genres horrifiques, et cela depuis Le Manoir du diable de Georges Méliès en 1896. On pourrait même aller plus loin en revenant a l’origine même du cinéma, de l’art de filmer, car les fantômes sont des apparitions de corps du passé. Lorsque l’on regarde des « vieux » films on assiste donc à une vision fantomatique, d’acteurs aujourd’hui décédés. Le genre du fantôme est donc lié à l’existence même du cinéma, tandis que l’idée même de fantôme est une idée qui intéresse l’humanité depuis des siècles. C’est une idée qui a deux facettes extrêmement différentes, la première est donc celle de la mort, ces fantômes maléfiques qui représentent un passé ou un futur douloureux. Mais le film de fantôme c’est également une célébration de la vie et c’est par cette idée que ce genre réussit à être aussi important et touchant : un fantôme c’est un être qui est prêt à tout pour ne pas mourir, qui ne veut pas croire en la mort. Le fantôme a un point commun avec l’ensemble de l’humanité : son envie de vivre, quoi qu’il en coûte.
Ce projet d’un troisième opus de S.O.S. Fantômes n’est pas une idée récente. Déjà dans les années 1990, Dan Aykroyd, le scénariste du film original, écrit un troisième opus intitulé Ghostbusters III : Hellbent. De bonnes idées se cachent dedans mais la production ne sera jamais lancée. Si vous avez envie de connaitre ce troisième opus vous pouvez jouer à SOS Fantômes : le jeu vidéo, qui reprend dans les grandes lignes le scénario d’Aykroyd et réécrit par Harold Ramis, l’interprète d’Egon Spengler. Séries d’animations, romans, comics et même jeux de rôle viennent alors agrandir le lore et l’univers de S.O.S. Fantômes. Pendant ce temps le projet d’un troisième opus, écrit par Harold Ramis, est arrêté et recommencé de nombreuses fois, jusqu’au tragique 24 février 2014, lorsque Harold Ramis décède. En 2016 un reboot de la saga est annoncé, avec un casting féminin, le film ne sera plus réalisé par Ivan Reitman mais par Paul Feig (Spy, Last Christmas). Et c’est … plutôt mauvais, pour rester poli. La production espère pourtant en faire une nouvelle saga, mais les critiques plutôt hostiles stoppent définitivement le projet, et c’est pour le mieux. A cet instant je n’ai alors plus grand espoir de voir un jour un troisième opus de S.O.S. Fantômes, en tout cas un troisième opus réussi.
Puis en 2019 Jason Reitman, le fils d’Ivan Reitman, révèle que son projet « Dust City » est en vérité le troisième opus de S.O.S. Fantômes. Un casting porté par Paul Rudd, Mckeena Grace et Finn Wolfhard et un premier teaser nous fait découvrir l’Ecto-1 roulant en pleine campagne américaine. Dés la promotion le ton est donné : S.O.S. Fantômes est en route vers de nouveaux horizons, loin des buildings new-yorkais. Mais comment assumer l’héritage d’un film culte, tout en écrivant sa propre légende ?
Attention : la phrase qui va suivre pourrait sembler venir d’un aigri, mais ça n’en n’est rien. Les bons films d’aventures familiaux, avec une pointe d’humour et une touche de fantastique, se font rare. Le cinéma hollywoodien actuel manque d’œuvres telles que La Momie et de Pirates des Caraïbes. Des œuvres qui savent être drôles, prenante et référencées. Ce troisième volet de S.O.S. Fantômes s’inscrit dans la lignée de ces grandes comédies d’aventures en proposant un grand spectacle impressionnant mais toujours plus proche de l’humour que de l’horreur. Les personnages sont tous des archétypes classiques de ce genre de film, et pourtant ils sont complétement réussis. Phoebe et Podcast incarnent ainsi des enfants aux passions originales, rejetés par la société a cause de leurs théories, mais qui vont avoir finalement raison. L’archétype de ce genre de personnage a était écrit tellement de fois que l’on pourrait le penser éculer mais il n’en est rien ici. L’ensemble est écrit avec tellement de sincérité qu’ils deviennent vite attachants. Trevor est lui aussi un cliché de l’adolescent, ne lâchant pas son téléphone et ne pensant qu’a la fille rencontrée dernièrement. Mais tout comme sa sœur, ce personnage semblant tout d’abord peu intéressant, va trouver son « sens de personnage » en réparant l’Ecto-1. Le frère et la sœur vont tout les deux trouver leur intérêt dés lors qu’ils entrent dans l’univers des S.O.S. Fantômes, dès lors que le fantastique entre dans le récit. Tout les codes de la comédie familiale passent ici par les personnages, la mère incarne un personnage tout d’abord détestable, mais au fil du film elle se découvre une histoire de plus en plus touchante, jusqu’à un final classique mais qui la réconcilie avec sa famille. C’est vu et revu, mais ça marche toujours autant, une morale simple mais extrêmement efficace : l’union fait la force. D’autres personnages classiques, mais réussis, viennent ainsi ponctuer le récit : celui de Paul Rudd représentant la caution comique du film, celui de Bokeem Woddbine représentant le monde des adultes, le scepticisme face a l’imaginaire. Et je ne parlerais pas du personnage qui incarne le rôle du mentor, pour ne pas spoiler, mais c’est une idée totalement intéressante et émouvante lorsque l’on comprend qui incarne le mentor de ces jeunes exclus de la société. Des personnages fascinants, une bande originale entrainante et mystérieuse, ainsi que des codes du genre bien utilisés font d’S.O.S. Fantômes – L’héritage une très bonne comédie familiale. Par ses personnages, ce nouveau volet de S.O.S. Fantômes, cite tout un héritage mais en réussissant à le faire sincèrement. C’est la sincérité de ces personnages qui donnent à l’ensemble une chaleur humaine.
Il faut que l’on commence à parler de l’éléphant dans la pièce. Cet élément qui traverse l’intégralité du film, qui était présent du tout premier trailer jusqu’à la dernière scène post-générique. Il faut que l’on parle de la question du fan-service. Jason Reitman, lorsqu’il avait sept ans, était aller sr le tournage de S.O.S. Fantômes, dirigé par son père. Ce film l’a marqué d’une telle force que des dizaines d’années plus tard il décide de réaliser ce volet, une sorte d’épilogue crépusculaire, se passant loin de l’original tout en y faisant sans cesse référence. S.O.S. Fantômes – L’héritage est sans cesse dans cet entre-deux, devant assumer son lourd héritage tout en étant capable d’être vu, seul, comme une œuvre réussie. Dès la scène d’introduction du film, Reitman invoque les gadgets culte des deux films précédents tout en instaurant une ambiance plus horrifique. Reitman joue sur les tons pour surprendre ses spectateurs tout en venant rappeler sans cesse l’œuvre-mère. Alors même que le spectateur devine facilement à qui appartenait la maison de leur grand-père, le réalisateur choisit lui de distiller petit a petit les indices et les références à l’univers de S.O.S. Fantômes. Lorsque Trevor soulève une bâche, on a juste le temps de deviner l’Ecto-1 en dessous, avant que la bâche retombe immédiatement. Lorsque le détecteur de fantômes clignote le spectateur comprend immédiatement ce qui se passe bien avant les personnages. Les vrais fantômes omniscients de l’œuvre ce sont les spectateurs, ayant toujours un temps d’avance sur les personnages. En prenant son temps, en faisant venir l’univers de S.O.S. Fantômes par petites touches, Reitman joue sur l’envie et l’attente, il revient à la base du suspens. Alors oui le réalisateur utilise les références dans un objectif utile pour la narration, mais ne nous mentons pas à nous-mêmes : il l’utilise également dans un pur objectif de nostalgie pour faire plaisir aux fans de toutes heure. Que ce soit dans des détails, comme lorsque le personnage incarné par Bokeem Woddbine lance un « Who you gonna call ? » à Phoebe, ou dans des décors, on pense ici notamment au temple d’où sort Gozer. Un fan-service qui monte en puissance jusqu’à ce final qui ne peut que faire sourire, un affrontement final ou le passé vient adouber le présent.
S.O.S. Fantômes – L’héritage est un film qui respecte le passé, mais en redynamisant sans cesse l’œuvre de 1984. Ici les scènes d’action sont bien plus destructrices tandis que les courses-poursuites sont les meilleures de la trilogie. Le film ne se contente pas d’être un adieu, un simple épilogue aux deux premiers. Il en prend la relève. Rarement un film aura aussi bien porter son nom. Tout d’abord au cœur même du scénario, ou l’élément perturbateur provient d’un décès et donc d’un héritage. Cette thématique de l’héritage se retrouve dans chaque personnage, dans chaque lieu du film. Le temple de Gozer est un héritage de l’antiquité sumérienne, toute la ville est le fruit de Ivo Shandor, la fille du shérif Domingo dit elle-même qu’elle reste ici car sa famille est installée depuis quatre générations. L’héritage d’Harold Ramis pèse sur l’œuvre, l’hommage est omniprésent, sa présence se ressent à chaque instant sans que jamais nous puissions le voir. Le vide de son décès inonde le film, qui semble être un moyen pour les S.O.S. Fantômes de faire leur deuil, de laisser leur fantôme en paix.
Le rôle du père est particulièrement important dans l’œuvre, entre regrets et réconciliation. La mère de Phoebe et de Trevor en veut énormément à son père, tandis qu’elle finit par le comprendre plus tard. Le père de Phoebe l’a abandonné, ne se sentant aucun point en commun avec elle, tandis que le personnage de Paul Rudd essaye justement de « remplacer » ce rôle. A titre personnel je pense que si le film est aussi touchant c’est justement grâce a toutes ces notions de transmission. La fin du film particulièrement émouvante à ce niveau-là, vient donner à cette aventure comique un aspect émotionnel important. J’ai cherché à comprendre pourquoi cette thématique tient une place aussi importante dans l’œuvre, qui rappelons-le a était en partie écrite par Jason Reitman. Il m’est alors apparu que le producteur du film n’est autre que Ivan Reitman, son père. Le réalisateur a expliqué récemment, lors de plusieurs interviews, qu’il avait souhaité avec ce film rendre fier son père. C’est une triple réconciliation qui arrive alors à la fin du film, celle de la cellule familiale pour les protagonistes, celle d’Ivan et de Jason Reitman mais également celle de (personnage de Ramis) avec l’univers des S.O.S. Fantômes.
Il serait difficile d’en dire plus sans vous divulgâcher le film alors arrêtons-nous ici. Foncez voir S.O.S. Fantômes – L’héritage, un grand film de divertissement familial, qui réussit avec brio à rassembler le passé et le présent. Des courses-poursuites impressionnantes, des scènes extrêmement émouvantes, des résolutions d’énigmes et des créatures aussi adorables que drôles : S.O.S. Fantômes – L’héritage est définitivement un excellent film d’aventure. On ne peut qu’être optimiste pour cette fin d’année 2021 si tous les films réussissent autant à assumer leur héritage pour aller voler de leurs propres ailes. Car oui c’est quoi le cinéma en décembre 2021 ? En cette fin d’année, le cinéma va en grande partie s’appuyer sur son passé pour nous émerveiller : de Matrix : Résurrections à Spider-Man : No Way Home, en passant par West Side Story, de nombreuses œuvres vont tenter de s’appuyer sur leur héritage pour créer leur propre légende. Je suis impatient de savoir si elles arriveront à se libérer d’un simple fan-service commercial pour aller plus loin, pour être meilleurs. Avec S.O.S. Fantômes – L’héritage, les fantômes n’ont jamais étaient aussi vivants.
S.O.S. Fantômes – L’héritage, de Jason Reitman, avec Mckeena Grace, Paul Rudd, Finn Wolfhard et bien d’autres…