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[CRITIQUE] Robuste – Gérard Depardieu rencontre son yin

Les indices sont réunis dans le titre. Robuste peut signifier “fort et sain”, mais aussi “intransigeant”, “résistant” ou “riche en saveur”. Tout cela s’applique aux personnages de ce premier film de Constance Meyer, interprété avec âme, qui ne se concentre pas sur les grands mouvements de l’intrigue mais sur les petits changements des relations et qui mérite d’être vu dans une salle de cinéma.

Robuste est certainement un excellent compliment pour Gérard Depardieu, qui est une présence physique solide dans n’importe quel plan, bien qu’une partie de son tour de force en tant qu’acteur ait toujours été d’apporter à ses personnages une douceur et une vulnérabilité qui semblent en contradiction avec sa corpulence. Ici, il joue un rôle qui a clairement été écrit avec au moins une partie de son histoire personnelle à l’esprit. Georges, l’acteur vieillissant, n’est pas une réplique de Depardieu, mais il est imprégné d’un certain caractère “Depardien“, allant d’une attitude grincheuse envers les réalisateurs à une haine d’Air France (un clin d’œil à la vidange très publique de Depardieu sur l’un des avions de la compagnie en 2011). Depardieu est égalé en stature et dans les enjeux d’interprétation nuancée par Déborah Lukumuena, que le public pourrait reconnaître dans Divines sorti en 2016. Elle joue le rôle d’Aïssa, un agent de sécurité qui passe ses heures perdues à participer à des concours de lutte, à s’amuser de temps en temps avec son collègue Eddy (Lucas Mortier), et qui est chargé de garder Georges. Elle et Georges forment, bien sûr, le plus étrange des couples, Aïssa agissant comme une sorte de douce éponge pour l’énergie imprévisible de Georges.

Une amitié hors du commun

Il y a une subtilité dans tout ça, qui témoigne de la délicatesse de Meyer. Elle n’opte jamais pour des choix faciles, comme le fait qu’un personnage ait des préjugés contre l’autre, mais permet simplement à une attitude respectueuse de se transformer en un lien de plus en plus fort. Peut-être que grand-angle avec des petites lumières sur la tête est un peu lourd en termes d’images, mais ils ajoutent néanmoins un certain aspect éthéré à un film qui parle autant des sentiments que du physique. Bien qu’Aïssa trouve George étrange, comme elle le rapporte à son amie Cosmina (Megan Northam), elle se contente de hausser un sourcil devant ses accès de colère. Plutôt que de la voir s’effacer des scènes face à la “grandeur” de Depardieu, Meyer et Lukumuena trouvent le moyen de montrer que ce genre de calme a une force qui lui est propre. Comme Depardieu, Lukumuena n’est peut-être pas conventionnelle en termes de look, mais elle a autant de puissance scénique que lui devant la caméra, le fait même d’en donner moins en termes de spectacle nous incite à vouloir en voir plus.

Meyer et sa co-scénariste Marcia Romano ont également le don de saisir la cadence naturelle des conversations et de laisser les mots prendre du poids, de sorte pour Georges de s’entraîner à plusieurs reprises avec Aïssa à écrire un scénario dont la signification augmente à chaque répétition. À l’instar des combats de lutte que nous entrevoyons dans le film, il s’agit d’une action finement équilibrée, où la force se trouve dans des moments inattendus et où l’issue reste incertaine jusqu’à ce qu’elle arrive.

Note : 3.5 sur 5.

Robuste au cinéma le 2 mars 2022.

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