[CRITIQUE] Respect – Arrête ça Franklin

La carrière d’Aretha Franklin, comme sa voix, est impressionnante et mémorable. Pourtant, au-delà de sa célébrité, elle était aussi une personne qui a lutté contre la maladie mentale, une enfance marquée par la perte de sa mère, la violence et les abus sexuels. Réalisé par Liesl Tommy à partir d’un scénario de Tracey Scott Wilson, Respect vise à mettre en valeur la carrière de chanteuse de Franklin au détriment de sa dévalorisation en tant que personne. Le film, qui a parfois des moments resplendissants, perd de son éclat parce qu’il ne traite pas la vie de Franklin avec le respect et la profondeur qu’elle mérite.

Le film commence avec Aretha, Ree en abrégé, réveillée par son père C. L. Franklin (Forest Whitaker), un pasteur réputé pour chanter devant les personnes réunies à la maison. Même à l’âge de dix ans, Aretha possède une voix et une présence sur scène extraordinaires, que son père exploite dans sa jeunesse. Respect couvre ensuite la vie d’Aretha de 1952 au milieu des années 1970, en passant par ses tentatives de succès avec Columbia Records avant de décider de les quitter pour signer avec Atlantic, où elle a travaillé avec le producteur Jerry Wexler (Marc Maron) et a été gérée par son premier mari, Ted White (Marlon Wayans, dont la performance ici est révélatrice). Entre les objectifs d’Aretha de faire des succès et sa célébrité grandissante, il y a des moments de sa vie qui sont largement survolés ou traités comme des anecdotes, y compris la mort de sa mère Barbara (Audra McDonald), sa santé mentale et la violence conjugale de Ted. Respect est un peu partout. Le film couvre un peu plus de deux décennies de la vie de Franklin, mais il est facile de sortir du film en ayant l’impression que l’on n’a rien appris sur la chanteuse défunte qui n’aurait pas pu être approfondi dans une page Wikipedia. Le scénario traite Franklin comme une icône plutôt que comme une personne et de nombreux aspects de sa vie, destinés à établir comment ils l’ont façonnée plus tard, effleurent à peine la surface de qui elle est. Certaines scènes révèlent qu’elle est aux prises avec “le démon”, ce qui pourrait faire allusion au traumatisme d’avoir été violée à l’âge de 12 ans ou à sa santé mentale, deux aspects qui ne sont jamais vraiment abordés. Respect veut mettre en avant tout le faste et le glamour de l’apogée de sa carrière, qui a démarré après plusieurs albums sans succès dans les premières années de Franklin, mais ne parvient pas à creuser plus profondément dans la vie de la chanteuse. 

C’est toujours la difficulté d’un biopic musical et Respect n’est pas différent, mettant en valeur la discographie de Franklin plutôt que d’éplucher les couches de sa vie. Ce dernier point aurait été plus intéressant si l’on considère que les spectateurs intéressés par ce film ont probablement déjà entendu toutes les chansons qui y sont présentées. Un film tel que celui-ci, avec le niveau de talent et le potentiel qu’il possède, ne devrait pas tomber aussi bas, pourtant, il est presque sans âme. L’activisme de Franklin est évoqué mais jamais montré, l’homme qui l’a violée n’est jamais cité par son nom ou mentionné à qui que ce soit, et l’intériorité de la chanteuse est rarement, voire jamais, prise en compte. Il y a tellement d’aspects de sa vie qui méritaient qu’on s’y attarde et qu’on les explore davantage, y compris la santé mentale et l’alcoolisme de Franklin, qui ont été balayés sous le tapis assez rapidement, comme pour éviter d’affronter ces questions de peur de ternir son image. Respect parvient à éviter de donner un contexte à presque tout, ce qui rend l’histoire beaucoup plus creuse qu’elle ne devrait l’être. L’histoire est basée sur tous les hommes qui contrôlent la vie de Franklin, de son père à son premier mari, et Respect s’arrange pour qu’elle ait un moment “trouvé sa voix” qui n’a aucune résonance émotionnelle. Le film passe d’un fait à l’autre, plus soucieux d’assurer sa chronologie que d’approfondir les émotions de Franklin et les différents rôles qu’elle a joués tout au long de sa vie. Le biopic est une histoire mince comme du papier qui ne semble pas intéressé à découvrir qui était la chanteuse au-delà de son rôle de reine de la soul. À cette fin, Hudson brille lorsqu’elle monte sur scène, son interprétation étant une combinaison des manières de Franklin et des siennes. En revanche, lorsqu’elle n’est pas sur scène et qu’elle se contente d’être Ree, l’interprétation de la légende de la soul par Hudson faiblit. 

Il est certain que les fans de la musique d’Aretha Franklin apprécieront les performances et les gros plans que Tommy utilise pour les capturer, ainsi que les nombreux montages tout au long du film qui montrent l’ascension de Franklin vers la gloire après des années de lutte et des albums ratés. Les costumes sont remarquables et plusieurs moments font ressortir le potentiel que Respect aurait pu avoir. Cependant, ils risquent d’être déçus par tout ce que le film a à offrir parce qu’il refuse d’examiner la vie et les émotions de la chanteuse légendaire d’un peu plus près qu’il ne le faudrait.

Note : 1.5 sur 5.

Respect au cinéma le 08 septembre 2021.

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