[CRITIQUE] Novembre – Octobre noir pour le cinéma

Second long-métrage de l’année à traiter des attentats de novembre 2015, Novembre est le film événement de cette rentrée cinématographique.  Il faut dire que la précédente œuvre de Cédric Jimenez, Bac Nord, a quelque peu défrayé la chronique. Cet excellent film d’action au sein des quartiers nord de Marseille possède un fond politique plus que trouble, allant même jusqu’à défendre des policiers condamnés par la justice et à stigmatiser les jeunes des quartiers marseillais en les représentant uniquement comme une horde sauvage. Alors certes le cinéaste a essayé de se défendre en posant un petit panneau « ce film n’a pas pour but de donner son appréciation sur une affaire judiciaire en cours » et en présentant son long-métrage comme un « western contemporain ». Apparemment il a loupé quelques cours de L1 audiovisuel, notamment ceux ou l’on apprend que tout cinéma est politique, mais également des séances d’histoire, ou il aurait pu entendre que le western était déjà un genre extrêmement stigmatisant pour certaines populations. Bien évidemment l’avenir a donné raisons aux critiques contre le film, lorsque ce dernier a été récupéré par l’extrême-droite française. Alors il faut dire que vu le sujet du film, et les antécédents de son réalisateur, on est plus qu’inquiets lorsque les lumières s’éteignent et que Novembre commence.

© 2021 RECIFILMS – CHI-FOU-MI PRODUCTIONS – STUDIOCANAL – FRANCE 2 CINEMA – UMEDIA

En quelques séquences Jimenez relate les attentats du 13 novembre, mais la ou il est étonnamment lucide, c’est qu’il ne les filme pas directement. Les événements se passent hors-champ, et d’ailleurs les victimes sont quasiment absentes du reste du récit. L’unique scène ou elles sont présentes n’est pas focalisée sur ce qui s’est passée mais plutôt sur comment les utiliser dans une enquête policière. On remarque ça en observant que les personnages dans les lignes de force du plan sont les membres du groupe d’enquête tandis que les témoins restent dans le bord du cadre. La grande force de Novembre c’est de proposer un film policier sous tension qui se sert des attentats de Paris comme un contexte plutôt que comme un réel arc narratif. C’est d’ailleurs l’intention du scénariste Olivier Demangel, qui écrit le long-métrage dès 2017 : “Plus que le choc, j’ai voulu travailler sur l’onde de choc. C’est en réfléchissant à ces questions que j’ai découvert ce qui s’était passé à la SDAT pendant ces cinq jours.”. Une idée confirmée par le réalisateur Cédric Jimenez, interrogé sur sa volonté de ne pas filmer l’attentat, et de concentrer son œuvre sur le travail policier : “Au-delà du choc, l’enquête de la police a représenté un travail titanesque, et en termes de responsabilités, la tension était incroyable pour ce service. Le scénario parle de cela. Je me suis mis à la place des enquêteurs et me suis demandé comment je réagirais face à l’obligation de résultat et à la crainte d’un désastre si ce même résultat n’est pas au rendez-vous.”.

Ce point de vue est justement l’atout principal du long-métrage. Jimenez se détache suffisamment des événements pour créer des scènes immersives et sous grande tension. Que ce soient des séquences de filatures, d’interrogatoires ou encore d’assauts, le metteur en scène réussit sans cesse à renouveler son film tout en nous plongeant dans un stress constant. Le vocabulaire précis et les scènes nerveuses nous immergeant sans cesse au cœur de ces services très secrets de l’état français. Ce qui renforce cette réussite c’est bien évidemment le travail des comédiens qui sont tous excellents, dans un professionnalisme et une sobriété constante. Parfois même un poil trop désincarné. On pense bien sûr à Jean Dujardin ou Sandrine Kiberlain, mais surtout à la talentueuse Anais Demoustier et aux nombreuses performances pleines de nuances qui agrémentent le récit comme celles de Sofian Khammes, Samil Outalbali ou encore celle de Lyna Khoudri.

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Le détachement émotionnel du film est à la fois son meilleur atout et son pire défaut. On se retrouve avec un scénario qui n’a pas grand-chose à raconter sur les événements ou sur les conséquences de ces événements. La multiplication des points de vue au sein du corps policier donne un rendu très flou, comme si aucun des protagonistes n’a d’évolutions ou d’objectifs personnels. Pour une fois on peut reprocher à Jimenez de ne rien raconter sur son événement, a part d’évoquer en boucle la pression reçue par le corps policer durant cette période. Cela fait maintenant plusieurs mois que nous avons vu Novembre et il faut bien avouer que le film s’efface rapidement de notre esprit tant il n’a pas de messages marquants à nous transmettre. Un peu fade quand on le compare avec le film de résilience et de reconstruction qu’est Revoir Paris, sorti quelques semaines plus tôt. Mais même en se concentrant uniquement sur les films de traques suivant des attentats, il faut bien avouer que Traque à Boston apportait bien plus de matière sur son sujet. Alors certes Peter Berg réalisait un film très patriotique (comme à son habitude avec Du Sang et des Larmes ou encore Deepwater) mais au moins le film avait une intention, un geste. Alors que Novembre c’est un peu Zero Dark Thirty, la réflexion en moins et l’aspect insipide augmenté de 200%.

C’est quoi le cinéma de Cédric Jimenez en 2022 ? C’est un cinéma d’action qui frappe fort, en s’attaquant a l’un des plus grands traumatismes français de ces dernières années mais qui reste en mémoire comme un film fade. Finalement son manque d’audace rend certains passages longuets, comme si on faisait face à un long-métrage réalisé par une intelligence artificielle. Un robot qui ne se débrouille pas si mal, mais un robot tout de même. On a vu plus humain au cinéma ces derniers temps, et notamment sur cette période, alors résultat mitigé pour le dernier Jimenez. En octobre, allez voir autre chose que Novembre.

Note : 3 sur 5.

Novembre le 5 octobre 2022 au cinéma.

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