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[CRITIQUE] Nostalgia – Plonger dans les jours insouciants de la jeunesse

Dans une nouvelle incursion au sein de Naples, Mario Martone réalise une adaptation de Nostalgia d’Ermanno Rea, publié après la mort de l’auteur en 2016. Moins d’un an après la première de Qui rido io, une biographie d’Eduardo Scarpetta, figure emblématique du théâtre comique napolitain, et de son procès qui a permis de légaliser les parodies, Martone revient au présent dans ce récit endeuillé où le passé rattrape un homme qui l’évite depuis quatre décennies.

Initialement une exploration douce du confort enivrant de se plonger dans les jours insouciants de la jeunesse, les événements prennent une tournure sinistre lorsqu’une confrontation inévitable avec le meilleur ami qu’il a abandonné tourne mal. Dirigé par l’intense Pierfrancesco Favino (tête d’affiche de l’exceptionnel Le Traître de Bellocchio en 2019). Celui-ci est en grande forme pour ce conte aux doux méandres sur les regrets et les conséquences. Martone est resté un éternel favori en Italie au cours des quatre dernières décennies, examinant le plus souvent les différentes facettes de Naples. Si son film le plus connu est sans doute son adaptation d’Elena Ferrante, L’Amour meurtri, réalisée en 1995, son attention particulière pour les forces qui contrôlent certains quartiers de la ville s’est manifestée dans d’autres œuvres récentes, comme The Mayor of Rione Sanita, réalisé en 2019.

Une fois de plus, les charmes et les tentations de La Sanita se transforment en un personnage à part entière. Felice (Favino) rend une visite attendue à sa mère âgée après quarante ans d’absence. Il est consterné de découvrir qu’elle a été déplacée de la maison familiale à l’étage inférieur d’un immeuble d’habitation à cause de la présence d’Oreste (Tommaso Ragno), qui était autrefois son ami inséparable et qui dirige maintenant le gang le plus brutal du quartier, ce qui lui vaut le surnom de Badman. Lorsque sa mère meurt inopinément après qu’il l’a relogée dans un appartement plus agréable, Felice est soudain envahi par le besoin de rester plus longtemps. Sa femme au Caire, où il possède une entreprise de construction prospère, semble amusée par le fait qu’il cède à la nostalgie, et il ne tarde pas à décider d’acheter une maison. Devenu copain avec le prêtre local, Don Luigi (Franceso Di Leva), Felice lui confie l’acte traumatisant qui l’a forcé à fuir Naples quarante ans auparavant, à savoir le meurtre d’un homme dont il cambriolait la maison avec Oreste. Don Luigi s’alarme, affirmant qu’Oreste est son ennemi numéro un. Le prêtre finit par considérer Felice comme une excellente histoire de rédemption pour la communauté, incitant l’expatrié à le suivre lors de ses visites hebdomadaires afin de montrer à la communauté le type de vie qu’elle peut avoir en travaillant dur et en s’instruisant. Mais finalement, Felice est poussé à rechercher Oreste, qu’il a laissé derrière lui sans jamais dire un mot. Leur interaction est tendue, et il est finalement ambigu de savoir où ils en sont.

Favino est d’habitude une présence agréable à l’écran, capable de passer de l’angoisse noire à la frivolité légère. Martone ne parvient pas à gérer ces changements de tonalité aussi bien que son acteur principal et le film finit par tomber dans un schéma familier du genre, où deux amis ou frères se retrouvent du côté opposé de la loi, comme dans La Nuit nous appartient de James Gray, The Indian Runner de Sean Penn et d’innombrables autres films.

Lorsque le film y parvient enfin, et que l’on a une idée de l’homme qu’est devenu Oreste (avec Ragno qui ressemble à Richard Mulligan dans les années 70), Nostalgia reprend du poil de la bête après avoir langui dans un trop grand nombre de séquences clichées avec le ringard Don Luigi. Les dialogues dans les rares flashbacks de l’enfance sont également médiocres (“Tu es un dieu“, dit-on à Oreste pour ses talents de motard), mais pour chaque déception, il y a généralement un élément qui compense immédiatement, comme l’utilisation sinistre des catacombes pour un détail de l’intrigue qui prend tout son sens après le générique de fin. Le directeur de la photographie Paolo Carnera fait de Naples une ville agréablement disposée, tandis qu’une partition de synthétiseur parfois sauvage suggère qu’une direction de genre plus persuasive dans le ton aurait pu faire de ce film un morceau délicieux plutôt que la routinière sécheresse de sa première heure.

Note : 3 sur 5.

Nostalgia de Mario Martone, 1h57, avec Pierfrancesco Favino, Tommaso Ragno, Francesco Di Leva – Au cinéma le 4 janvier 2023.

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