[CRITIQUE] Madame Claude – Ne soyez ni pressé ni lent

La décision la plus intelligente de Madame Claude de Sylvie Verheyde, révélatrice de l’ascension et de la chute de Fernande Grudet, propriétaire d’un bordel influent durant le tumultueux Paris de 1968, est d’embrasser les contradictions de son personnage principal plutôt que de les minimiser. Loin d’une biographie bien nette de la femme qui a essentiellement dirigé la vie sexuelle des dignitaires et des fonctionnaires les plus notables de France, il s’agit plutôt d’un portrait boueux d’une femme en grande partie égoïste qui a tenu le sort de beaucoup d’autres et qui ne savait pas toujours quoi en faire.

C’est la partie intelligente. Le problème avec Madame Claude, c’est qu’il est absolument interminable en tant qu’œuvre de divertissement, cette dernière étire des scènes de sexe et des conversations désobligeantes pendant près de deux heures sans trop se soucier d’un enchaînement dramatique. Karole Rocher, qui joue la dame, passe le plus clair de son temps à raconter ses circonstances, affichant une attitude avec laquelle il est difficile de sympathiser alors que son empire se complique à cause du scandale de Markovi et les demandes des services secrets. Au fur et à mesure que les enjeux montent, le film devient moins intéressant, perdant certains de ses détails intrigants et détournant l’attention du personnage le plus intéressant de la prostituée atypique de Garance Marillier, Sidonie.

Madame Claude travaille mieux quand il s’agit de décrire le pouvoir et l’influence du bordel dans la politique française, comment les affaires sont faites, les amitiés sont nouées, et les informations sur les préférences sexuelles sont échangées. De même, une scène amusante et rien comme Grudet déclarant que Marlon Brando est à cinq minutes fonctionne comme une blague mais aussi un rappel révélateur du genre de clients qui fréquentaient le bordel du 16ème arrondissement chic de Paris. C’est la tentative de Grudet de rationaliser ses propres défauts où les intentions du film deviennent difficiles à analyser. Sa nature contradictoire et hypocrite est-elle mise en évidence comme une critique, ou sommes-nous censés nous réjouir de ses remarques concises sur sa propre indépendance, son pouvoir et son influence ? Je soupçonne que c’est la première. Son histoire de ragots à la richesse pourrait attirer le public de son côté, mais elle a embrassé la haute société et ne conserve presque rien de ses antécédents provinciaux. C’est une mère, mais elle traite sa fille avec un désintéressement total. Les femmes qui travaillent pour elle, qui sont plus proches d’une famille que de ses relations biologiques, sont néanmoins sans cesse questionnées sur leur apparence, leur hygiène et leur technique sexuelle, et on s’attend à ce qu’elles subissent toutes sortes d’abus physiques de la clientèle si besoin est. Au moment où l’État met Grudet dans des positions de plus en plus risquées, il est difficile de se soucier de ce qui lui arrive de toute façon.

Et le rythme ! D’une certaine façon, Madame Claude a le problème opposé, mais le même résultat que Concrete Cowboy, qui a fait ses débuts sur la même plateforme le même jour. Ils n’arrivent pas à raconter une histoire particulièrement cohérente. On peut soutenir que ce film est pire dans la façon dont il se déroule à travers les genres (biographie, étude de personnages, fiction élaborée) ainsi que des scènes disjointes. Une photographie stylée et la ligne de coupe étrange ne suffisent pas à élever Madame Claude au-delà. C’est dommage.

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