[CRITIQUE] Love Life – Un mélodrame déprimant en quête de finesse

Love Life, réalisé par Kōji Fukada, s’inscrit dans la filmographie d’un cinéaste japonais de la jeune génération, ouvertement influencé par le cinéma français, en particulier l’œuvre d’Éric Rohmer. Cette production internationale, bien que prometteuse à première vue, se révèle être l’un des mélodrames les plus douloureux et déprimants de Fukada. Malheureusement, l’exécution du film laisse à désirer, présentant des aspects insensibles et manquant de finesse.

UNE PRODUCTION INTERNATIONALE DE FUKADA

Dès l’affiche trompeuse du film, on constate un décalage entre les attentes suscitées et la réalité du contenu. Love Life est distribué de manière différente dans son pays d’origine par Kōji Fukada, qui réalise entre trois et cinq films par an. Les distributeurs français, dans l’espoir de fidéliser leur clientèle, ont acquis l’ensemble de ses films, mais cela conduit parfois à des résultats décevants, tels que Love Life, qui ressemble davantage à un téléfilm japonais diffusé au cinéma. Les décors du film, des appartements aux espaces communs, sont filmés de manière minimaliste, créant une atmosphère austère où des personnages dénués de psychologie et d’affect semblent évoluer.

Le début du film sauve partiellement la situation, nous offrant le style léger et drôle caractéristique de Fukada, avec quelques mystères intrigants. Cependant, le film bascule rapidement dans une atmosphère mutique et déconcertante, laissant aux spectateurs la charge de se débrouiller seuls. Les plans poussifs s’enchaînent, accompagnés d’une musique au piano qui est une mauvaise caricature du romantisme. De plus, la chanson de variété qui clôt le film, bien qu’une présence récurrente dans les films asiatiques, déborde de sentimentalisme excessif et s’intitule ironiquement “Love Life“.

© 2022 LOVE LIFE FILM PARTNERS & COMME DES CINEMAS
SE PRENDRE LES PIEDS DANS LA BAIGNOIRE

La longue introduction du film, pourtant la partie la plus réussie, est marquée par l’apparente image du bonheur qui se fissure peu à peu. Les relations au sein de cette famille recomposée, composée de Taeko, Jiro (son mari) et Keita (leur fils), sont égratignées par diverses anicroches, telles que la désapprobation des beaux-parents envers Taeko ou le refus de l’ex-fiancée de Jiro de participer aux festivités. Il devient rapidement évident que le personnage principal féminin est en réalité une réprouvée, une marginalisée dans son propre environnement. On observe notamment les moments où Taeko se sent déconnectée des autres, comme lors de la séquence du mariage.

Malheureusement, certains personnages secondaires, tels que les beaux-parents ou l’ex-fiancée de Jiro, ne sont pas suffisamment approfondis et sont parfois négligés. Leur présence aurait pu donner plus de consistance à l’environnement dans lequel évolue notre malheureuse protagoniste, au-delà de l’introduction susmentionnée. De même, l’aspect professionnel de Taeko aurait mérité une meilleure mise en valeur, afin de mieux comprendre son quotidien et d’éviter l’impression qu’elle cesse de travailler à un certain moment de l’intrigue. Les relations entre Taeko et son mari actuel, Jiro, auraient également bénéficié d’une exploration plus approfondie afin de les rendre plus fluides et moins forcées.

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ON ATTEND QUE TU CHIALES

Love Life penche vers le mélodrame larmoyant et appuyé, ce qui se ressent dans sa structure narrative. Les plans longs, qui se prolongent indéfiniment, tels que les trois plans de fin qui cumulent plus de cinq minutes à eux seuls, deviennent fastidieux. Bien que Fukada cherche à transmettre une émotion puissante à travers ce procédé, il provoque finalement l’effet inverse, car l’attachement que l’on peut éprouver pour les personnages est principalement dû à l’événement tragique et non à l’écriture de ces derniers.

Love Life de Kōji Fukada souffre de lourds défauts et manque de subtilité. Malgré des personnages intéressants, nuancés et profonds, l’écriture et la mise en scène du film sont loin d’être à la hauteur. Chaque idée est soulignée de manière excessive, étouffant ainsi le spectateur. Cette réalisation insensible et bancale trahit les attentes suscitées par une affiche prometteuse et laisse un goût amer aux spectateurs en quête d’une expérience cinématographique riche et profonde.

Love Life de Kōji Fukada, 2h04, avec Fumino Kimura, Tomorowo Taguchi, Tetta Shimada – Au cinéma le 14 juin 2023.

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