[CRITIQUE] Linda veut du poulet ! – La simplicité d’une envie

Il est rare de trouver des œuvres qui parviennent à conjuguer l’audace narrative, la profondeur émotionnelle et une esthétique visuelle saisissante. Cependant, Linda veut du poulet ! de Sébastien Laudenbach et Chiara Malta s’impose comme une exception notoire à cette règle. Ce long-métrage d’animation, présenté avec brio et délicatesse, transcende les frontières du langage et de la nationalité pour offrir une expérience remplie de poésie.

LINDA N’EST PAS COMME LES AUTRES

Dès les premiers instants, la créativité éclate à l’écran, nous enveloppant dans un univers visuel des plus fascinants. L’usage de l’animation en deux dimensions, entièrement dessinée à la main, offre une vision de Paris à la fois familière et décalée. La palette de couleurs mérite une mention spéciale, car elle dépasse le simple rôle de coloration pour devenir un élément narratif à part entière. Les nuances et les interactions entre les couleurs créent des fils thématiques subtils qui tissent la trame de l’histoire sans attirer ostensiblement notre attention. Ainsi, Linda veut du poulet ! démontre que la beauté et l’efficacité cinématographique peuvent résider dans la simplicité, pourvu qu’une profondeur narrative soutienne le récit, ce qui est indéniablement le cas ici.

© Gebeka Films

Cependant, sous sa surface enchanteresse, il serait injuste de le réduire à un simple film d’animation sans conséquence. Le medium de l’animation a maintes fois prouvé sa capacité à véhiculer des récits provocateurs et profondément résonnants, et ce film ne fait pas exception. En fait, il dissimule habilement des commentaires sociaux et politiques, délivrés avec subtilité pour enrichir l’histoire de manière significative et perspicace. L’utilisation du concept de la protestation comme dispositif narratif capture l’esprit de la rébellion socialement consciente tout en ajoutant une résonance profonde, en particulier à la lumière des manifestations actuelles à travers le monde. Dans ce contexte, Sébastien Laudenbach et Chiara Malta ne se limitent pas à divertir, mais engagent également le spectateur dans une réflexion sur des thèmes universellement pertinents.

LINDA EST ÉQUILLIBRÉE

Linda veut du poulet ! possède une atmosphère distincte, équilibrant habilement comédie burlesque et drame familial. Les interactions entre les deux personnages principaux, magistralement interprétés par Mélinée Leclerc et Clotilde Hesme, constituent les moments les plus captivants du film. Ces instants sont à la fois nostalgiques et hilarants, et cette approche semble être la seule façon appropriée de raconter cette histoire. Les réalisateurs ont posé des bases conceptuelles solides, créant ainsi une combinaison unique et puissante d’idées, habilement assemblées. Leur travail est impeccable, bien plus que ce que l’on pourrait attendre d’une comédie animée apparemment modeste. En réalité, Linda veut du poulet ! dépasse toutes les promesses qu’il fait en offrant un mélange inattendu d’émotions humaines authentiques, d’humour tendre et bienveillant, et d’un message social d’une grande pertinence. Le tout est sublimé par une animation saisissante, immersive dans sa beauté indéniablement unique. Ces éléments s’entrelacent pour donner naissance à une œuvre magnifique et intrigante, débordant d’âme et de cœur.

© Gebeka Films

À l’heure où la plupart des blockbusters hollywoodiens nous bombardent avec des enjeux planétaires surdimensionnés, Linda veut du poulet ! nous rappelle que la simplicité peut être tout aussi captivante. Alors que de nombreux films Marvel mettent en scène des menaces de destruction de la planète, c’est une question aussi simple que de savoir si une jeune fille peut déguster le plat de poulet qui lui rappelle son défunt père qui nous retient en haleine. Ce choix narratif audacieux nous amène à réfléchir sur l’excès de spectacle visuel dans le cinéma contemporain et sur la nécessité de revenir à des récits plus intimes et humains.

LINDA VEUT TE VOLER LE COEUR

Linda veut du poulet ! se distingue par sa capacité à capturer la beauté de l’émotion simple. Il explore les liens familiaux, la nostalgie de l’enfance et la quête de sens dans un monde complexe. Il réussit à dépeindre ces thèmes avec une délicatesse qui résonne avec le spectateur de manière authentique. Le personnage de Linda, en particulier, incarne parfaitement cette innocence enfantine et cette soif de connexion humaine.

En fin de compte, c’est bien plus qu’un simple film d’animation. C’est un hommage à la vie, à l’amour, à la famille et à la quête de bonheur dans un monde parfois absurde. Il nous rappelle que la créativité cinématographique peut prendre de nombreuses formes, des plus simples aux plus élaborées, mais qu’elle doit toujours être alimentée par une profondeur émotionnelle. En définitive, il s’impose comme l’une des œuvres les plus adorables de l’année.

Linda veut du poulet ! de Sébastien Laudenbach et Chiara Malta, 1h16, avec Mélinée Leclerc, Clotilde Hesme, Laetitia Dosch – Au cinéma le 18 octobre 2022.

7/10
Note de l'équipe
  • William Carlier
    7/10 Bien
  • Louan Nivesse
    6/10 Satisfaisant
  • Enzo Durand
    7/10 Bien
0
0

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *