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[CRITIQUE] Life On Mars – Mensonge colonial

Le scénariste et réalisateur Wyatt Rockefeller, qui en est à son premier long métrage, a su trouver un style, une ambiance, une esthétique et un message central bien distincts pour Life on Mars. Le film donne également à Brooklynn Prince son rôle le plus complexe et le plus dramatique depuis son rôle incroyablement puissant dans The Florida Project de Sean Baker. D’une certaine manière, le film aurait toujours été regardable, même s’il est long à démarrer ou si ces éléments sont plus fragiles (le film essaie de faire et de dire beaucoup de choses, mais il a les yeux plus gros que le ventre à l’approche du troisième acte). Ilsa (Sofia Boutella) et Reza (Jonny Lee Miller) vivent sur une colonie martienne isolée avec leur fille de neuf ans, Remmy. La Terre n’est plus habitable, et cette famille soudée fait partie des premiers colons, équipés de tout ce dont ils ont besoin pour prospérer et survivre. La famille fait tout, de la culture de légumes pour nourrir les cochons à l’éducation de Remmy aux mathématiques, en passant des moments de qualité ensemble, que ce soit en observant les étoiles avec papa ou en se laissant emporter par le talent de guitariste de maman. Ils semblent être aussi seuls que possible, mais des conversations furtives entre Ilsa et Reza indiquent le contraire, tout comme le fait Remmy en fouinant.

Fais dodo (Remmy), Colas mon p´tit frère.

La réponse ne se fait pas attendre, car le lendemain, le mot “LEAVE” est écrit en lettres de sang sur l’une des fenêtres de l’avant-poste. Une fusillade s’ensuit entre Reza et les autres colons (qui étaient couverts de la tête aux pieds et portaient des armes tactiques), mais pour Remmy, quelque chose d’autre se passe (outre la terreur naturelle de la situation). C’est la première fois qu’elle se rend compte que ses parents lui mentent, la trahissent presque, ce qui devient récurrent même s’ils veulent bien faire et, dans le cas d’Ilsa, sont férocement protecteurs. Tout au long des séquences violentes (il n’y en a pas beaucoup, à part le bouleversement explosif d’une vie idyllique et paisible), la mise en scène s’en tient au point de vue de Remmy, ce qui est facilement le choix le plus judicieux à faire étant donné que c’est son histoire. Les conséquences de cette petite escarmouche entraînent la présence de Jerry (Ismael Cruz Cordova), un homme à la voix douce mais intense qui explique qu’il ne fait que réclamer sa maison légitime. Certains indices nous permettent de comprendre que ces parents n’ont peut-être pas fait les meilleurs choix eux-mêmes et qu’ils pourraient en payer le prix. De plus, étant donné l’aspect colonialiste de Mars, on pourrait penser qu’il y a une allégorie plus profonde à explorer ici, mais c’est malheureusement l’une des intrigues secondaires de Life on Mars qui ne se cristallise pas en quelque chose de significatif ou d’engageant.

Néanmoins, Jerry insiste sur le fait qu’il reste. Ilsa ne peut pas non plus y faire grand-chose puisqu’elle n’a nulle part où aller (tout le reste n’est que poussière et sable, néanmoins capturés de manière exquise) et que Reza est maintenant mort. Je ne dirai pas comment il meurt, mais une fois de plus, ce détail n’a pas d’importance puisque tout cela est censé être vu à travers les yeux et les émotions de Rémy. Cela crée une nouvelle dynamique où les tensions sont initialement élevées mais semblent se calmer une fois qu’Ilsa décide que Jerry n’est pas mauvais. Il s’y connaît en réparations et possède même un robot utilitaire (destiné aux excavations et ressemblant à une caisse monochrome avec des jambes mécaniques) avec lequel Remmy se lie d’amitié et sur lequel il dessine un visage de façon amusante. Pourtant, il y a toujours le sentiment que Jerry est une personne dangereuse avec des arrière-pensées. Les choses se compliquent pour Remmy lorsqu’elle entrevoit une relation romantique entre les deux. Pour elle, cela ressemble à un nouveau coup de poignard dans le dos (suivi d’un échange émotionnel entre la mère et la fille), ce qui ne fait qu’attiser ses pulsions aventureuses, déjà à peine contenues. A partir de là, il y a une révélation qui recontextualise l’histoire jusqu’à présent, alors qu’Ilsa doit prendre une décision finale sur ce qui est le mieux pour elle et Remmy.

Sofia Boutella qui panique.

Après ce suspense, Life on Mars fait un bond en avant d’environ dix ans (Nell Tiger Free joue maintenant Remmy). La narration change radicalement pour aboutir à quelque chose qui ne cadre pas vraiment avec le reste de l’histoire, mais qui, plus décevant encore, est une série d’événements incroyablement clichés. Ce que l’on peut dire, c’est que le jeu d’acteur reste remarquable, avec un personnage particulier qui voit des nuances de gris sur le plan moral avant de basculer rapidement dans une violence qui, contrairement à l’ouverture, semble déplacée. Cependant, l’approche humaniste et dramatique inébranlable des affaires cosmiques et le superbe talent devant la caméra (sans parler de la beauté et de l’atmosphère des images et du ton) font de Life on Mars un film relativement facile à regarder, malgré sa tranquillité et ses nuances. Il y a une logique rationnelle et empathique dans les choix de tous ces personnages, même si le troisième acte est peu convaincant.

Note : 3 sur 5.

Life on Mars en VOD le 3 novembre.

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