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[CRITIQUE] Les Survivants – À la frontière de la subtilité

C’est quelques mois après le choc As Bestas que Denis Menochet revient, accompagné par Zar Amir Ebrahimi que l’on a vu briller dans Les Nuits de Mashhad, dans un thriller semi-western avec un sujet strictement politique. Le postulat est grossièrement le même que le long-métrage de Rodrigo Sorogoyen, à savoir un duo de personnages qui vont devoir lutter contre une bande de racistes pour pouvoir survivre. Ici, bien que l’on puisse rapprocher les deux récits, Guillaume Renusson fait de Les Survivants un drame social violent et contemplatif qui sait ce qu’il doit dénoncer mais qui, malheureusement, manque de rythme mais surtout de mise en scène.

Denis Menochet joue Samuel, qui après le décès de sa femme, part s’isoler dans son chalet au cœur des Alpes italiennes. Une nuit, une jeune femme se réfugie chez lui, piégée par la neige. Elle est Afghane et veut traverser la montagne pour rejoindre la France. Samuel ne veut pas d’ennuis mais, devant sa détresse, décide de l’aider. Il est alors loin de se douter qu’au-delà de l’hostilité de la nature, c’est celle des hommes qu’ils devront affronter… Tout d’abord, il y a quelques subtilités dans l’écriture que je me dois de saluer. Zar Amir Ebrahimi, actrice franco-iranienne, a dû fuir l’Iran suite à une fuite de sextape. Elle s’est donc dirigée vers la France où elle a repris sa carrière de comédienne et a remporté le prix de la meilleure actrice à Cannes l’année dernière. C’est un rapprochement pertinent que l’on peut faire avec son personnage, Chehreh, qui a traversé toute l’Europe pour fuir l’Afghanistan afin de se reconstruire en France. Renusson réussit un véritable coup de force avec ce parallèle qui ajoute à la fois du réalisme mais également du corps à son sujet. En plus de cela, l’un des trois antagonistes, ayant pour objectif est de traquer nos deux protagonistes, est connu de Samuel. Leur relation n’est jamais claire, néanmoins, nous comprenons que ce sont d’anciens amis. On se demande même si Samuel ne traquait pas aussi par le passé tant certaines réactions semblent attendues. Cela rajoute une certaine confusion et donc tension durant diverses séquences – qui sont les meilleures des longs-métrages.

© Les Films Velvet – Baxter Films – Pierre Maïllis-Laval

Comme précisé, le plus gros problème de ce Les Survivants est le manque de mise en scène – ou du moins l’irrégularité de celle-ci. En effet, la mise en scène de ce thriller se veut proche de Denis Menochet, de ses respirations et de son stress constant à la manière de l’infect Enragé où l’on pouvait presque sentir l’haleine de Russell Crowe. Heureusement pour nous, Renusson sait ne pas en abuser. Nonobstant, on reste sur un filmage académique qui ne va pas toujours plus loin que la caméra épaule. Le plus frustrant avec ça, c’est que dans les réels moments de panique et de tension, la mise en scène s’emballe, sort du contemplatif pour se diriger d’un coup sec vers des plans-séquence immersif et nerveux. Cette ambivalence dans la réalisation empêche le spectateur de ressentir toutes les difficultés psychologiques qu’endurent nos deux personnages principaux. Nous ressentons leurs douleurs physiques mais les violences morales et psychologiques dont ils sont victimes nous semblent pas aussi impactantes. La majeure partie de son sujet est textuelle. Alors certes, il est fort et beaucoup mieux géré que dans Les Engagés d’Émilie Frèche où l’on pouvait sortir les violons et y voir un Benjamin Lavernhe – que l’on adore – caricatural et nocif jouer les bons samaritains, pourtant, Les Survivants reste tout de même sur un fil rouge trop centré et prévisible qui manque de choc, d’imprévu et de subtilités.

Les Survivants reste tout de même un exercice raisonnable bien qu’imparfaite. Par ailleurs, nous pouvons contempler les magnifiques paysages enneigés captés avec élégance par Pierre Maïllis-Laval ainsi que ce duo d’acteur·ices en symbiose, qui défendent ce propos pertinent mais qui manque de corps.

Note : 2.5 sur 5.

Les Survivants de Guillaume Renusson, 1h34, avec Denis Ménochet, Zar Amir Ebrahimi, Victoire Du Bois – Au cinéma le 4 janvier 2022.

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