[CRITIQUE] Les Héroïques – Peter Punk

Après une série de courts métrages sortis au fil des ans, le premier long métrage du réalisateur Maxime Roy, Les Héroïques, débarque dans une cinquantaine de salles en France. Cette œuvre, qui traite de la paternité et des liens fragiles qui unissent les gens, évoque la difficulté d’accomplir les tâches quotidiennes et d’honorer ses devoirs dans un monde qui ne laisse aucune place à l’expression ou à la digestion des émotions. Autant de thèmes sensibles et potentiellement effrayants dont Maxime Roy s’est emparé avec force pour son premier long-métrage.

Les Héroïques s’ouvre sur le long monologue d’un homme devant un groupe de parole des Alcooliques Anonymes. Sur un visage marqué par des années d’addiction, Michel explique son parcours, sa difficulté à accueillir son nouveau-né, dont il vient de se séparer de la mère. Il l’aime encore, il veut bien faire mais il n’y arrive pas. Il y a aussi son premier fils, Léo, à peine majeur. Et lui, Michel, qui n’arrive pas à joindre les deux bouts, qui dort dans une cave et survit au jour le jour. “J’aimerais bien venir un jour et ne pas être propre, de toute façon à quoi ça sert ? Je ne suis pas un gars propre.” Ce monologue est terrible, hypnotique, et l’interprétation de François Créton est déjà sublime… En trois minutes et quelques secondes, dont la violence donne une impression de longueur bien plus importante, tout le film est posé : dans ce monde hostile où se débattent de grandes solitudes, Michel va tenter de se relever, de s’occuper de ses proches qui le fuient et d’être heureux. Il part de très loin, et Les Héroïques prend son spectateur par la main pour lui faire suivre son chemin vers la rédemption, vers une renaissance. Commence alors un chemin difficile, celui de l’abandon des addictions et de la prise de responsabilité. Y parviendra-t-il ?

Road trip chez les Punk à chien.

Maxime Roy et François Créton ont réalisé ce film ensemble, de l’écriture au tournage, à partir d’un premier court-métrage tourné ensemble et déjà sur le même thème : Beautiful Loser. L’acteur trouve ici un rôle de fiction qu’il nourrit pourtant de ses propres expériences. Tatoué, émacié, souillé, il incarne un marginal dont la gentillesse et la sensibilité s’expriment maladroitement dans une société faite de solitudes. Il y a son ex Hélène (Clotilde Courau) et mère de leur nouveau-né, elle aussi isolée et fatiguée, son père Claude (Richard Bohringer), aigri et gravement malade, avec lequel il ne peut communiquer. Réparer ce lien, prendre acte du passé, c’est se tourner vers l’avenir, et c’est ce que veut montrer Les Héroïques. Être un homme, devenir un père et ne pas être seulement un enfant, c’est ici un impératif de se lier à l’autre, de prendre soin de lui, de construire ensemble une société. Les Héroïques, par la grâce de son récit, parvient en effet à dresser le portrait d’une société à bout de souffle, épuisée par ses difficultés et l’infinie solitude de ses individus. A la fois clown qui s’exprime en verlan, marginal au regard louche sur sa moto et sous sa veste brodée “Loser”, père gaffeur et amant sincère, Michel offre une version moderne, authentique et tragique du “syndrome de Peter Pan”. Il agit avec son fils Léo (Roméo Créton, véritable fils de François) comme s’ils avaient le même âge, partageant les mêmes joints et s’inscrivant dans une dynamique punk qui ne présage rien de bon. Les femmes qui l’entourent, Hélène et Josiane, la compagne de son père (Ariane Ascaride), n’ont qu’un mot à lui dire : “Grandis !”.

Dupontel sauce Peter Pan.

Les Héroïques est à son meilleur lorsqu’il dépeint les différentes nuances de la relation entre le père et le fils. Il est évident que ce lien complexe a en son cœur un fort désir de connexion, mais qu’il est enveloppé de couches de déception et de rancœurs de longue date. Le film a beaucoup de potentiel pour présenter un récit chargé d’émotion, mais la promesse n’est pas tenue car l’action est lente et l’histoire ne prend jamais vraiment son élan. Néanmoins, les solides performances des acteurs et les moments où les émotions profondes des personnages transparaissent font que le visionnage vaut la peine.

Note : 3.5 sur 5.

Les Héroïques au cinéma le 20 octobre 2021.

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