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[CRITIQUE] Le Temps d’aimer – Faites l’amour pas la guerre

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, dans une France où les soldats américains sont encore présents, Katell Quillévéré nous fait voyager entre la Bretagne et la capitale tout en transcendant les décennies. Tout droit inspiré de la vie de sa grand-mère, la réalisatrice, à travers son dernier long métrage, aborde une multitude de thèmes.

Les belles images d’archives en noir et blanc sur lesquelles débute le film terminent sur les plages bretonnes, précisément à Dinard, où Madeleine (interprétée par Anaïs Demoustier) fait la connaissance de François (Vincent Lacoste). Commence alors une idylle entre nos deux protagonistes, confrontée à une multitude d’épreuves résultant des secrets enfouis par chacun d’eux. Quillévéré puise son inspiration dans le premier amour de sa grand-mère paternelle, une liaison avec un soldat allemand ayant abouti à la naissance d’un enfant. Par la suite, elle fait la rencontre du grand-père de la réalisatrice quelques années plus tard. Finalement, l’enfant illégitime sera adopté par ce dernier.

© Gaumont Distribution

Dans cette France tout juste libérée de l’occupation allemande, le contexte historique demeure des plus importants. Les conséquences de la guerre, en particulier l’occupation allemande, ont un impact majeur. Elles engendrent d’abord la naissance de Daniel ainsi que les secrets enfouis par Madeleine. De plus, le contexte social et antisémite persistant dans le pays contribue à cette situation. Le Temps d’aimer traite de l’amour, certes, mais sous toutes ses formes. La liberté du couple est abordée jusqu’à donner lieu à un plan à trois qui constituera une scène importante du film. Ce basculement révèlera les secrets que cache François tout en apportant un rythme différent à partir de celui-ci. L’homosexualité du personnage le mènera jusqu’à son destin tragique puisqu’il perdure dans un pays où les lois qui le régissent sont encore différentes de nos lois actuelles. Toutes ces questions autour de la sexualité et du désir se retrouvent confrontées à des mœurs qui ne peuvent cohabiter ensemble.

Au-delà de l’amour hétérosexuel et homosexuel, l’amour parental est aussi un des thèmes majeurs abordés. À travers le personnage de Daniel qui ne cherche que l’amour de sa mère, l’enfant illégitime met en lumière toutes ces naissances compliquées qui ont longtemps été cachées. Considérées pour beaucoup comme honteuses, le film met l’accent sur le rejet que subissent ces enfants. On retrouve une complexité d’intégration non seulement au sein de la famille, mais aussi sociale, son père adoptif le souligne avec la prise de son nom français bourgeois par le petit et non celui de son père biologique.

© Gaumont Distribution

À travers son synopsis, le film semble aborder une simple histoire d’amour basée sur une différence de classes sociales. L’une issue de classes précaires et l’autre du milieu bourgeois, évidemment que le choc des cultures prend place. Il se traduit par un mépris intellectuel pour l’un et par un mépris physique basé sur la superficialité pour l’autre. La différence sociale hante les personnages tout au long du film mais ne figure non pas comme le sujet principal mais juste l’un abordé parmi tant d’autres.

En seulement deux heures, l’œuvre de Katell Quillévéré s’ouvre à nous comme un roman chargé d’histoires, toutes différentes les unes des autres, pourtant très cohérentes dans son ensemble. Le film nous transporte dans les années 50 et 60, période succédant aux conflits mondiaux, où les politiques et les mœurs diffèrent grandement de celles que nous connaissons aujourd’hui, créant ainsi un contexte singulier. Malgré un début très rapide dont il est difficile de s’impliquer réellement tant son rythme est brusque, le film finit au bout de quelques dizaines de minutes à captiver pleinement l’attention du spectateur. Grâce à ses rebondissements qui perdurent jusqu’à sa fin, on se retrouve à la fois submergés et admiratifs de toutes ces épreuves endurées par nos protagonistes. Même si certains thèmes évoqués se retrouvent de trop dans les dernières minutes, Le Temps d’aimer nous transporte à travers ses costumes et son ambiance chaleureuse dans cette France si lointaine. Les décors et les musiques nous plongent pleinement dans la vie de ses personnages afin de prendre le temps de les aimer, au même titre qu’eux prennent le temps d’aimer en dépit de toutes ces souffrances qui régissent leur vie.

Le Temps d’aimer de Katell Quillévéré, 2h05, avec Anaïs Demoustier, Vincent Lacoste, Paul Beaurepaire – Au cinéma le 29 novembre 2023

7/10
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  • Kimly Del Rosario
    7/10 Bien
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