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[CRITIQUE] Le Robot Sauvage – Une fable écolo qui fait mouche

Image de Par Louan Nivesse

Par Louan Nivesse

Imaginez une île perdue, sauvage, où la nature règne en maître. Pas d’humains, pas de béton, juste la faune, la flore et… un robot. Oui, un robot, échoué sur le rivage comme un artefact d’un autre temps, perdu entre les racines d’arbres centenaires et les cris d’oiseaux marins. Voilà comment DreamWorks nous propose de penser l’écologie aujourd’hui avec Le Robot Sauvage, une fable animée à la fois douce et amère qui met en scène une étrange cohabitation entre la technologie et la nature. Mais au-delà de l’aventure, c’est une véritable invitation à réfléchir à ce qui nous lie — ou nous délie — du monde vivant.

Roz n’a pas été programmée pour comprendre la nature. Elle est conçue pour aider l’homme, lui obéir aveuglément, réaliser des tâches avec une précision implacable. Mais que faire quand l’homme n’est plus là ? Livrée à elle-même sur cette île déserte, Roz devient l’image de notre propre impuissance face à un monde naturel qui, malgré toutes nos tentatives de contrôle, finit toujours par nous échapper. La force du long-métrage réside dans ce contraste saisissant : une technologie ultra-moderne, froide et méthodique, plongée dans un environnement qui n’a que faire des algorithmes. Ici, la survie ne dépend pas de la rapidité de calculs, mais de l’intuition, de l’adaptation, de la collaboration. Le robot, face à cette nature sauvage, apprend qu’il ne peut plus se reposer sur ses circuits, qu’elle doit sentir, ressentir, improviser. Et n’est-ce pas là, justement, l’un des plus grands défis écologiques de notre époque ? Nous, humains, avec notre obsession du contrôle technologique, devons apprendre à composer avec un environnement que nous ne maîtrisons pas totalement, mais que nous devons protéger.

Copyright 2024 DreamWorks Animation

L’île devient ainsi le décor parfait pour explorer ces tensions. Loin des clichés d’un paradis écologique idéalisé, Le Robot Sauvage montre aussi la face brutale de la nature. Il n’y a pas de pitié ici, seulement des lois ancestrales : les forts survivent, les faibles périssent. Et pourtant, Roz, avec sa carcasse métallique et ses circuits programmés pour l’efficacité, devient un élément disruptif dans ce cycle implacable. En sauvant un oison d’une mort certaine, elle crée un lien improbable, presque contre-nature, qui va bouleverser cet équilibre sauvage. Cet acte de sauvetage, simple en apparence, est en fait une métaphore profonde. Roz, qui n’a aucune prédisposition à être une mère, apprend à élever ce gosse de plume, à le nourrir, à lui apprendre à voler, tout comme nous, humains, devons apprendre à soigner une planète que nous avons trop longtemps blessée. Ce geste, à mi-chemin entre instinct et programmation, nous rappelle que prendre soin de la Terre n’est pas une option, mais une responsabilité que nous devons tous embrasser, même si cela semble contre nos instincts de consommation et de profit.

Tout en douceur, le film pose alors une question cruciale : la technologie peut-elle réparer les dégâts qu’elle a causés ? Roz, symbole d’une humanité technologique, réussit à s’intégrer dans cet écosystème à force de patience et d’observation. Mais tout au long du récit, une ombre plane : celle d’un monde extérieur où la technologie a peut-être déjà trop fait de mal. Cette île, microcosme de la planète, représente un sanctuaire fragile. Et c’est ici que Le Robot Sauvage frappe fort : il ne s’agit pas simplement d’une belle histoire animée pour enfants, mais d’une réflexion plus large sur la manière dont nous devons repenser notre rapport au progrès. Roz n’est pas là pour sauver qui que ce soit. Elle tâtonne, se transforme, abandonnant peu à peu sa logique binaire pour s’ouvrir aux mystères du vivant. Comme elle, notre société ultra-connectée, en quête constante de maîtrise, doit apprendre à lâcher prise. L’écologie, ce n’est pas qu’une histoire de panneaux solaires ou de recyclage ; c’est réapprendre à vivre avec la nature, à accepter qu’on ne contrôle pas tout.

Copyright 2024 DreamWorks Animation

Lorsque Roz guide son oison vers le sud, la question reste en suspens : et nous, quelle direction prenons-nous ? Vers un avenir où la technologie broie tout ou vers une cohabitation apaisée ? Le film ne nous sert pas une réponse facile. C’est toute sa puissance. Plutôt que de nous imposer une morale, il nous invite à réfléchir, à sentir. Roz, cette machine qui ne devait rien ressentir, nous touche par sa capacité à s’adapter, à s’ouvrir à l’inconnu. Et nous ? Sommes-nous prêts à reprogrammer nos certitudes, à modifier notre propre logiciel intérieur pour vivre autrement avec la planète ? Ce dernier Dreamworks ne se contente pas de divertir. Il devient un miroir reflétant nos propres impasses écologiques. À travers l’androïde, nous voyons ce que nous pourrions devenir, si seulement nous acceptions d’écouter ce qui nous entoure. L’écologie n’est plus une simple tendance, c’est un processus d’adaptation lent, une mutation aussi essentielle que celle de ce robot en devenant mère. La vraie question n’est pas de savoir si nous pouvons changer, mais si nous avons le courage d’essayer.

Le Robot Sauvage de Chris Sanders, 1h42, avec Lupita Nyong’o, Pedro Pascal, Kit Connor – Au cinéma le 9 octobre 2024.

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