[CRITIQUE] Le Piège de Huda – La résistance plus importante que la survie

La fascinante séquence d’ouverture de 10 minutes du huitième long métrage du réalisateur palestinien Hany Abu-Assad, Le Piège de Huda, vous surprend par la transparence de sa transition entre la douceur première et la terreur ambiante. C’est un court-métrage en soi. Huda (Manal Awad), une styliste basée à Bethléem, et sa cliente actuelle, Reem (Maisa Abd Elhadi), discutent de leurs problèmes relatifs aux réseaux sociaux et de leurs projets d’avenir. Reem a également amené son bébé avec elle. Il semble y avoir une réelle entente entre les deux femmes. Mais au moment où Reem quitte le salon, son quotidien a considérablement changé.

Seuls les spectateurs assistent attentivement à la scène, Huda la drogue jusqu’à ce qu’elle perde connaissance, puis la déshabille et la photographie dans un état compromettant avec un autre homme qui se cachait dans le même salon. Pourquoi moi ? Elle demande à Huda, dont la tactique de chantage visant à faire d’elle une informatrice pour les services secrets israéliens est maintenant terminée. Il n’y a pas d’échappatoire pour ces femmes, dont nous suivons l’histoire en parallèle après leur rencontre inaugurale fatale. Hany Abu-Assad, est de retour en forme dans ce thriller politique vif et solidement efficace qui s’intéresse de près à la résistance palestinienne sous contrôle israélien. Son dernier long métrage était La Montagne entre nous, qui mettait en vedette Kate Winslet et Idris Elba dans un accident d’avion. Le Piège de Huda semble beaucoup plus familier et intime, offrant à ses spectateurs une vision disséquée et conflictuelle des interactions quotidiennes avec une habileté remarquable.

© Destiny Films

Le Piège de Huda suit ces deux femmes prises dans une situation de détresse avec deux axes distincts : l’intrigue de Reem est plus dynamique, car elle est incapable de rester au même endroit avec son état d’esprit. L’angoisse constante est accentuée par des prises de vue à l’épaule et de longs travellings, alors qu’elle se trouve prise dans une course au chat et à la souris avec les hommes de Hasan (Ali Suliman). Les directeurs de la photographie Ehab Assal et Peter Flinckenberg retracent l’anxiété et la panique de Reem avec beaucoup de grâce. D’autre part, il y a Huda elle-même, qui se retrouve coincée dans une salle d’interrogatoire stressante. Abu-Assad confère à ces scènes une certaine qualité théâtrale qui leur donne un air de mise en scène, mais qui accentue étonnamment le contraste entre les deux volets. La tension augmente férocement dans la dernière moitié de l’histoire, mais au lieu d’apporter une sensation rafraîchissante d’imprévisibilité, elle ne fait que s’accroître inutilement au bout d’un moment. Cela nous amène à un nouveau problème : Le Piège de Huda, en questionnant la futilité de la guerre et son impact sur les générations, consacre un temps considérable aux rebondissements. Le Piège de Huda tombe dans son propre sous-effet de résistance pédagogique, et au moment où il atteint sa conclusion, le malaise a déjà cédé la place aux notes superficielles de la finalité. Il y a un manque de communication, c’est compréhensible, mais Le Piège de Huda ne parvient jamais à contrer efficacement son propos dans le contexte donné. Il révèle, puis oublie. S’il n’y a pas d’échappatoire à cette interminable série d’horreurs et de paniques, alors pourquoi faire durer le film ?

Ce qui fait avancer Le Piège de Huda, ce sont les performances parfaitement maîtrisées de ses actrices, qui veillent à ce que la terreur ne soit pas déplacée. Même lorsque le quotidien cède la place à l’intransigeance, pas un battement ne manque sur les visages d’Awad et d’Elhadi. Awad cache une ruse avec un sens volatile de la peur sans être bruyant. Elhadi, en particulier, est superbe dans son tourbillon d’anxiété et de panique. Même lorsque la narration tend à s’éloigner de son contexte, Elhadi s’assure que nous gardons à l’esprit la présence de son innocent bébé – elle fait tenir cette impression d’impuissance. Impossible à oublier, Hany Abu-Assad construit un thriller psychologique riche sur le plan dramatique et élaboré de main de maître. S’il n’atteint pas les sommets, Le Piège de Huda est un film important en soi. Il n’est pas parfait, mais il est amèrement pertinent par rapport aux réalités actuelles dans lesquelles nous vivons. Le coût de la guerre sur la population d’une nation, en particulier les femmes, est horrible. Alors que la guerre contre l’Ukraine inspire des actes de résistance à grande échelle dans toute la Russie, avec plus de 4 000 manifestants arrêtés, on ne peut s’empêcher de se demander où va le monde. La résistance est indispensable, et comme le démontre impitoyablement Le Piège de Huda, elle est parfois plus importante que la survie elle-même.

Le Piège de Huda de Hany Abu-Assad, 1h31, avec Maïssa Abed El Hadi, Ali Suliman, Manal Awad – Au cinéma le 1er février 2023.

0
0

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *