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[CRITIQUE] Le Jeu de la Reine – Hey Jude! Don’t make it Law

LE MYSTÈRE DE LA PRÉCIEUSE NÉGLIGENCE

Le Jeu de la Reine de Karim Aïnouz commence sur les chapeaux de roues avec une intrigue prometteuse : Catherine Parr ourdit une conspiration secrète avec Anne Askew. Pourtant, cette trame intrigante ne tarde pas à se perdre dans les méandres d’une narration chaotique. L’un des plus grands écueils du film réside dans sa tendance à lancer des intrigues sans les développer pleinement. Prenez par exemple le précieux collier que Catherine remet à Anne, une imprudence qui défie toute logique. L’absence d’une explication satisfaisante laisse un goût amer au spectateur, une frustration face à des détails qui semblent abandonnés en cours de route.

Cette légèreté dans la construction narrative se propage tout au long du film, sapant ainsi son potentiel. Des éléments clés sont introduits, puis rapidement oubliés, laissant le spectateur en suspens. Le scénario aurait pu gagner en profondeur en explorant davantage ces fils narratifs, mais au lieu de cela, il opte pour une superficialité décevante. L’intrigue aurait mérité une écriture plus nuancée et une structure plus solide pour véritablement captiver et immerger le public dans l’histoire.

JUDE LAW, LA RÉINCARNATION SINISTRE D’HENRY VIII

L’un des points forts indéniables de Le Jeu de la Reine réside dans la performance de Jude Law en roi Henry VIII. Sa transformation pour incarner ce souverain tyrannique est tout simplement stupéfiante. Law parvient à rendre Henry à la fois répugnant et impétueux, donnant vie à un personnage que l’on aime détester. Ses expressions, ses gestes, son physique décadent, tout concourt à faire de sa performance une véritable prouesse. Cependant, cette virtuosité a un effet paradoxal sur le film.

Alicia Vikander, qui incarne Catherine Parr, offre également une performance convaincante, mais elle se trouve éclipsée par l’aura imposante de son collègue. Vikander aurait mérité d’explorer plus en profondeur son personnage, de montrer toute la complexité de Catherine Parr. Malheureusement, l’omniprésence d’Henry VIII dans le récit finit par reléguer la reine au second plan, limitant ainsi le potentiel émotionnel du film.

LES TRÉSORS CACHÉS

Le Jeu de la Reine réussit néanmoins à déterrer certains trésors cachés de l’histoire, mettant en lumière la complexité du contexte religieux et politique de l’époque Tudor. Les interactions de Catherine Parr avec des figures telles qu’Anne Askew ou Thomas Seymour offrent des moments de profondeur et de tension fascinants. Les conflits religieux, les intrigues de cour et les jeux de pouvoir sont autant de facettes pertinentes explorées par le film.

Cependant, ces éléments restent en grande partie en surface. Le film aurait pu plonger plus profondément dans les enjeux religieux de l’époque, dans les motivations des personnages et dans les conséquences de leurs actions. Là encore, il laisse un sentiment d’inachevé, comme s’il effleurait la surface d’une piscine sans jamais plonger au plus profond des eaux troubles de l’histoire.


Le Jeu de la Reine se situe dans la lignée des films historiques, cherchant à capturer l’essence sombre et tumultueuse de l’Angleterre Tudor. Cependant, il se perd souvent dans un rythme désastreux. Les scènes s’étirent sans raison apparente, donnant l’impression que le film tourne en rond. Les moments de tension sont dilués, et l’histoire perd en intensité. En comparaison avec le film Capone de Josh Trank, le long-métrage de Karim Aïnouz souffre d’un rythme mal maîtrisé. Alors que Capote parvient à maintenir une tension constante et à captiver le public avec une narration fluide, Le Jeu de la Reine se perd dans des longueurs inutiles. Cette incohérence de rythme entrave la capacité du film à maintenir l’intérêt du spectateur et à exploiter pleinement son potentiel narratif.

En fin de compte, malgré ses moments de brillance, on en ressort avec un goût d’occasion manquée. Son scénario inachevé, ses performances déséquilibrées et son rythme désastreux entravent sa capacité à véritablement captiver. Alors qu’il aurait pu offrir une plongée immersive dans l’Angleterre Tudor, il reste en surface, effleurant à peine la richesse de son histoire. Une œuvre qui aurait mérité une écriture plus attentive et une réalisation plus rythmée pour révéler pleinement les trésors cachés de cette époque fascinante – surtout que l’introduction et le générique sont beaucoup plus modernes que l’œuvre.

Le Jeu de la Reine de Karim Aïnouz, 2h, avec Alicia Vikander, Jude Law, Simon Russell Beale – Au cinéma le 28 février 2024

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L'avis de la rédaction
Summary

Le Jeu de la Reine de Karim Aïnouz offre une vision historique nuancée, mais son scénario inachevé et son rythme déséquilibré entravent son potentiel. Jude Law brille en roi Henry VIII, mais Alicia Vikander reste en retrait. L'exploration de l'époque Tudor reste en surface, laissant une occasion manquée dans le cinéma historique.

  • Louan Nivesse5
Written by
Louan Nivesse

Rédacteur chef.

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