« Le pouvoir est une épée à double tranchant. Parfois, elle coupe la main« , tel est l’adage ouvertement énoncé dans les derniers instants de La Conspiration du Caire, le retour du réalisateur Tarik Saleh dans son pays natal, l’Égypte, tout juste après son premier film en langue anglaise, The Contractor, avec Chris Pine. Il s’agit d’une remarque inutile si l’on considère les événements plus qu’évidents qui se déroulent dans le film et qui, pendant la majeure partie de son temps d’exécution, constituent un thriller réfléchi mais truffé de rebondissements.
Dans cette enquête sur la nature corrompue du pouvoir, qu’il s’agisse d’institutions gouvernementales ou religieuses, Saleh garde ses distances avec les protagonistes qui œuvrent en parallèle à l’instauration d’une figure dominante de substitution à Al-Azhar, la plus ancienne université d’Égypte qui délivre des diplômes et qui est considérée comme le phare de l’islam dans le monde. Leurs actions ont pour but d’éviter une guerre civile potentielle si le président du pays et les chefs religieux sont violemment désynchronisés. En retrouvant son acteur fétiche, Fares Fares, Saleh continue d’explorer son intrigue avec des institutions compromises et les intentions néfastes de l’autorité, mais son dernier film finit par s’essouffler sous le poids de trop de rebondissements.
Après un bref aperçu historique sur la volonté du gouvernement de contrôler Al-Zahar depuis sa création, on passe au petit village de Manzala, où Adam (Tawfeek Barhom), le fils aîné d’un pêcheur analphabète, vient de recevoir une bourse d’études de l’université. Les rouages du destin sont ainsi mis en branle. Peu de temps après son arrivée, le Grand Imam meurt, et la Sécurité d’Etat se démène pour trouver le candidat qu’elle souhaite pour le poste, qui est maintenant un poste à vie après un récent changement dans les lois d’Al-Zahar.
L’opération est sous la responsabilité du colonel Ibrahim (Fares Fares), mais son informateur Zizo (Mehdi Dehbi) vient d’être démasqué, ce qui nécessite le recrutement en urgence de nouveaux hommes sans aucun lien. Zizo choisit rapidement l’innocent Adam et est assassiné peu après. Se frayant un chemin jusqu’à Adam, Ibrahim a bientôt le jeune homme dans la paume de sa main. Soudain, Adam découvre l’hypocrisie qui règne au sein du groupe musulman extrémiste qu’il est contraint de surveiller et chez les Cheikhs qui cachent des secrets sournois. Mais Adam découvre qu’il est dans une spirale infernale et qu’il ne pourra peut-être pas s’en sortir indemne.
Comme la version mafieuse de Habemus papam, La Conspiration du Caire de Saleh se précipite vers l’inévitable succession d’un grand imam nouvellement élu. Finalement, la narration semble un peu trop lisse, glissant de manière opportune dans un endroit tout en ignorant un certain niveau de détail en dehors de la portée d’Adam. La raison pour laquelle la Sécurité d’État n’a qu’un seul informateur compte tenu de l’importance de la mission, par exemple, pourrait être un détail choquant à expliquer. Ou pourquoi le colonel ne s’appuie pas plus tôt sur un personnage clé pour placer Adam dans une position plus avantageuse.
Saleh permet à Fares Fares de jouer le contraire de son détective acharné dans Le Caire confidentiel, devenant une autorité qui tire des ficelles plutôt que de les poursuivre. Mais il n’y a pas de synergie entre ces personnages, du moins pas assez pour donner un sens à ce qui se passe dans le troisième acte, très lourd. De même, il n’y a absolument aucune construction identitaire pour Adam, et la performance monotone de Barhom ne fluctue pas entre la première et la dernière scène. On ne sait jamais à quoi il pense. Il y a beaucoup à admirer dans le rythme, mais la fluidité du scénario jusqu’à la fin crée trop de questions lancinantes dans un final qui semble, cyniquement, indiquer qu’il est futile de contester des systèmes de pouvoir reposant sur la manipulation et la corruption.
⭐⭐⭐
Note : 2.5 sur 5.La Conspiration du Caire au cinéma le 26 octobre 2022.