Imaginez que les films de la Aardman production (tels que Wallace et Gromit et Chicken Run) aient engendré un enfant japonais. Cet enfant en question serait doté d’un sens de l’humour très noir, d’une passion pour les jeux vidéo Silent Hill et les animés japonais. Les promesses offertes éveillent notre curiosité ! Junk Head est un film d’animation japonais en stop motion réalisé, produit et interprété par Takehide Hori. Dans un futur lointain, les êtres humains ont découvert le secret de l’immortalité, mais ont perdu la capacité de se reproduire. Pour remédier à ce problème, un humanoïde est envoyé dans les profondeurs de la Terre, où vivent différentes sociétés de créatures tentant de survivre en se soutenant mutuellement, étage par étage. Son périple à travers les étages inférieurs le conduira à découvrir et à rencontrer des sociétés et des individus cachés, chacun vivant selon ses propres règles.
Ce qui nous frappe en premier lieu, c’est sa direction artistique. L’aspect visuel mélange de nombreuses références de la pop culture et les présente sous un nouvel angle. Cette vision rafraîchissante et captivante se manifeste par une fusion de genres allant des visuels horrifiques à des éléments plus enfantins, comme en témoigne le design du personnage principal. Il crée ainsi sa propre atmosphère et ses propres codes artistiques. Que ce soit dans le design des personnages ou dans son architecture, le film est une véritable claque visuelle, le tout au service de son univers. L’univers est la grande force du film. Alors que le long-métrage explore les différents étages des souterrains, nous découvrons une variété d’environnements. Certains peuvent sembler similaires, mais l’évolution et les changements de règles créent une cohérence qui donne une profondeur et une curiosité considérables à cet univers. Nous avons toujours envie d’en savoir plus, de découvrir comment les créatures interagissent entre elles, et comment les habitants de ces étages vivent. Malheureusement, bien que l’univers soit captivant, il n’est pas soutenu par le scénario.
En soi, suivre Junk Head dans les couloirs étroits de ce monde est plaisant, mais l’absence de continuité dans la quête du personnage crée une boucle scénaristique banale, car le film tourne vite en rond. La formule de découverte fonctionne toujours en début de séquence grâce à l’univers ; néanmoins, elle s’atténue rapidement une fois les codes compris. Chaque changement de séquence vient pourtant raviver la flamme et ranimer notre intérêt pour le film. Cependant, le dernier acte du film et sa fin précipitée laissent un sentiment amer en fin de séance. On attend simplement le prochain volet de ce que le réalisateur a déjà présenté comme une trilogie.
Takahide Hori l’a réalisé pratiquement seul. Il s’est concentré sur l’essentiel : mettre en valeur le monde qu’il a créé ainsi que l’animation de son film, qui, même si elle n’est pas parfaite, demeure convaincante et satisfaisante, notamment lors de séquences reprenant les codes des shonen japonais tels que Dragon Ball ou Naruto. La réalisation en solo a contraint Takehide Hori à doubler de nombreux personnages, ce qui lui a permis de créer un dialecte et une nouvelle langue basée sur des grognements et des raclements de gorge. L’ensemble confère au film un aspect futuriste convaincant grâce à la non-compréhension directe des dialogues. C’est un véritable condensé de bonnes idées qu’il faut saluer !
Junk Head est un OVNI (Objet filmique Non Identifié) cinématographique proche de nous par ses références. Un film qui déborde d’inventivité, souvent captivant par son univers, mais souvent anodin dans le traitement de son histoire. Un film qui suscite de l’admiration pour son réalisateur, mais nous laisse sur notre faim en tant que spectateur. Reste sa direction artistique stupéfiante et l’attente du prochain volet.
Junk Head de Takahide Hori, 1h41, avec Takahide Hori, Yuji Sugiyama, Atsuko Miyake – Disponible sur Shadowz.
Critique écrite le 19 mai 2022.