Le cinquième opus déjà envisagé, John Wick : Chapitre 4 est si bankable qu’une grande partie de la promotion du film s’attache à le présenter comme une révolution du cinéma d’action. Pour ceux qui le savent, la saga John Wick est un plaisir régressif, qui sans exploiter complètement les codes du cinéma d’action sur la forme, les reproduit à l’extrême de la même manière. Dans cet opus, toujours réalisé par Chad Stahelski, John Wick (Keanu Reeves) cherche un moyen de vaincre la Grande Table. Celle-ci lui a concocté de nouveaux adversaires pour s’en débarrasser, parmi lesquels des amis de toujours, et un tueur professionnel aveugle nommé Caine (Donnie Yen).
Il y a beaucoup de belles choses au sein de la saga cinématographique, il ne serait-ce que l’idée même du rôle de Keanu Reeves qui lui convient à merveille. Sur un personnage mutique ou presque, l’acteur tient quelques lignes de dialogues sur chaque film, et cela participe clairement au charisme qu’il donne à son personnage. La logique est la même pour ce quatrième film, où Reeves incarne très bien son personnage, y compris en prononçant les dialogues les plus maladroits, entre des « Yeah » sortis en toute liberté. S’il fallait un peu d’humour, on le trouverait ici pour détendre un peu l’atmosphère pesante qui règne sur l’univers du tueur à gages.
Pourtant, John Wick : Chapitre 4 n’échappe pas aux défauts scénaristiques que l’on pouvait déjà reprocher aux autres films. Chad Stahelski présente chaque situation à laquelle fait face John Wick comme un autre obstacle à dépasser, donnant souvent l’impression d’assister à une succession de scènes vidéoludiques dont le seul enjeu est l’échec temporaire du personnage. S’il y a bien une chose qui manque cruellement au sein de ces films, c’est bien cette absence d’échec. Il est difficile de se sentir investi pour le sort de ce personnage tant il ne subit jamais la défaite, alternant les combats dans les rues et les chutes inhumaines depuis les immeubles.
Cela est assez dommageable, et relève avant tout des choix de réalisation. Le cinéaste cadre quasiment toujours son personnage de loin dans le feu de l’action. Autrement dit, chaque lutte au corps à corps finit ressembler aux autres aperçues précédemment, inévitablement. Tout cela reste bien cadré et filmé, mais sans réelle ambition de renouveler le travail sur le cadre et d’insuffler plus de dynamisme. Heureusement, les chorégraphies sont absolument excellentes sur la durée entière du long-métrage, donnant lieu à certaines scènes impressionnantes où Donnie Yen peut s’exprimer à la perfection. Si les combats à répétition peuvent lasser, son personnage donne un peu de variété aux registres des combats employés contre John Wick.
Il faut le dire également, la vraie bonne idée de John Wick : Chapitre 4 est de confronter l’amitié ancienne entre Wick et Caine à l’adversité inévitable pour que chacun puisse s’en sortir. Les liens entre les deux personnages sont assez touchants, et bien développés sur la durée à l’occasion de scènes marquantes où leurs vies sont en jeu. Le développement des sous-quêtes n’est pas toujours très passionnant, mais la séquence au Japon est assez réjouissante, donnant lieu à voir des combats au sabre. Le film recycle toutefois une utilisation de la lumière et des néons trop semblable aux autres films, malgré quelques idées bienvenues comme le ralenti.
John Wick : Chapitre 4 s’épuise un peu sur la durée, mais il faudrait être de mauvaise foi pour passer un moment désagréable devant ce condensé d’action (trop) généreux et attachant. Le travail des chorégraphes et cascadeurs est tel que cela suffirait à découvrir le film. Une chose est certaine, si la saga John Wick atteint un statut culte, elle aura son explication toute vue : Keanu Reeves. La saga vit pour lui, par lui. Contre tous donc, sauf le spectateur.
John Wick : Chapitre 4 de Chad Stahelski, 2h50, avec Keanu Reeves, Donnie Yen, Bill Skarsgård – Au cinéma le 22 mars 2023
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