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[CRITIQUE] In Water – Trouble jeu

Un tournage improvisé ou presque, et des bavardages entre trois professionnels du cinéma. Peu de surprises dans In Water, qui voit Hong Sang-soo en terrain familier, profitant de la simplicité ostensible du récit pour expérimenter une forme atypique. Contre les critiques trouvant tous les qualificatifs possibles pour diminuer l’ambition vers laquelle il se projette, rappelons qu’il est un cinéaste très amateur de peinture. Cet affect se trouve sur la plupart de ses films, mais davantage dans cette proposition où le flou de l’image persiste en vue de créer un brouillard ambiant.

L’équipe de tournage – un réalisateur, un scénariste, une actrice – n’a pas beaucoup d’inspiration. Elle tente les prises de vues de temps à autre dans les rues, à la mer, au bord du rocher. Hong Sang-soo s’intéresse encore aux troubles infimes d’individus désorientés, l’imagination des uns se confrontant à l’amateurisme de celui qui les dirige, écrivant à l’improviste son script alors même que l’argent est investi. Pour ce faire, il y a des plans fixes à répétition, des rencontres avec les autres que l’on ne perçoit plus à cause du flou, et les conditions de réalisation s’affichent comme dérisoires. Il n’y a pas de justification à cette méthode employée, et la démarche peut agacer bien qu’elle ait le mérite de ne pas s’éterniser. Bien décidé à écourter son œuvre, l’auteur insiste à l’écran sur les formes des objets, les nappes de couleurs des paysages, et les silhouettes plus ou moins visibles des personnages.

Les effets d’aquarelle ne sont pas un obstacle pour ramener la réalité au premier plan, l’effacement physique laissant place à la contemplation du mouvement et de l’absence. La preuve, la conclusion apporte le délitement ultime du groupe où le protagoniste plonge dans l’eau. Il en reste une impression mélancolique en découvrant In Water, profitant d’un effet a priori rebutant pour laisser apprécier au spectateur la beauté extérieure à l’entrevue, quoiqu’un peu banale. Il y manque toutefois un peu de cohésion à l’ensemble, parfois trop resserré sur les figures humaines : il aurait peut-être été préférable d’accorder plus de perspectives décentrées, élargies sur les alentours.

Copyright Arizona Distribution

Le flou est tantôt plus prononcé tantôt absent, mais la brume revient au galop avec l’absence de mise au point. Le jeune réalisateur nourrit beaucoup d’espoirs qu’il affiche lors des scènes de repas, cherchant la créativité à tout instant. La recherche d’inspiration se fait via le souvenir, l’immersion abstraite de l’eau embuant l’image traduit également une émotion pure. Une surimpression que l’on ne comprend pas, soulignant l’équilibre fragile entre les corps inanimés et vivants. La fin appelle à un monde ailleurs quelque part, où il ne reste plus que l’océan pour envelopper les derniers fantômes de l’humanité. Cette incursion d’individus que l’on peine à percevoir et à saisir totalement est déstabilisante et envoûtante.

Trop théorique pour intéresser son monde, le geste minimaliste aurait profité de variations sur son jeu esthétique. Renfermé dans cette forme définie, il peine à se renouveler en partie, car la plupart des scènes sont filmées de jour. La simplification du cinéma de Hong Sang-soo n’est pourtant pas stérile, puisqu’il y a des tentatives à chaque nouveau chapitre de sa longue filmographie. Après tout, il n’y a jamais vraiment eu de personnages très écrits au sens où ils se laissent porter par le temps et le hasard. Leur introspection les amène parfois à se poser dans des lieux inconnus, tel était le cas dans Another Country, et In Water ne saurait que synthétiser toute cette obsession rassasiant son créateur.

Trop sage dans l’exécution de son modèle d’expérimentation, le maître sud-coréen ne développe pas suffisamment ses personnages, laissés à des esquisses sans reflet. Le premier acte est coupé trop rapidement, comme pour signifier qu’il ne l’intéresse pas tant que ça si ce n’est pour laisser l’effet brumeux prendre le dessus. Décidément, une belle agitation.

In Water de Hong-Sang soo, 1h01, avec Shin Seokho, Ha Seong Guk, Seung Yun Kim – Au cinéma le 26 juin