
Depuis l’important Get Out de Jordan Peele, de nombreux réalisateurs s’en sont reliés à la cause de ce dernier pour renvoyer ce même message de tolérance et de rébellion. Peele a lancé (voire popularisé) un nouveau mouvement de film d’horreur social convoité par le public, les jeunes réalisateurs mais aussi les producteurs (qui y voient une stratégie commerciale, un effet de mode). De ce fait, là où nous étions confiants il y a de cela quelques petites années, maintenant, nous prenons un peu plus nos précautions quand un nouveau film de cette trempe arrive sur nos écrans (surtout après la douche froide qu’a été le maladroit Antebellum). Que vaut donc His House ? Nouveau film d’horreur antiracisme qui côtoie non seulement le cinéma de Peele tout comme celui de Del Toro.
Synopsis : Rial (Wunmi Mosaku) et Bol (Sope Dirisu) sont des réfugiés sud-soudanais, fuyant la guerre civile. Durant leur voyage en mer, ils ont perdu leur fille en pleine tempête. Bien qu’ils se trouvent à Londres, ils obtiennent le droit de vivre dans une maisonnette en mauvais état…
Comment s’intégrer dans un pays qui nous oppresse ?
Même si l’antiracisme se ressent dans l’écriture, His House du tout jeune Remi Weekes parle avant tout de la difficulté pour un couple de réfugiés noirs de s’intégrer dans un pays inconnu, entouré d’une population bourrée d’apriorisme, de jugements. Cette répression constante de la société qui les entoure est symbolisée par la maison qu’on leur donne. Une grande maison dans laquelle ils doivent trouver leurs repères, se sociabiliser mais surtout se tenir à carreau afin d’obtenir leur liberté au sein de l’Angleterre. Or, cette propriété devient vite étrange, des bruits surgissent à travers les murs, les lumières s’éteignent puis se rallument, des ombres surgissent jusqu’à ce que des monstres/fantômes fassent leur apparition.

Entre les esprits masqués symbolisant la population soudanaise, les zombies évoquant la classique métaphore d’une société nouvelle et inconnue (et ce depuis l’interprétation de Georges Romero) ou encore la créature sale et terrifiante en pure allégorie de la terreur, celle d’être rejetée de par notre origine, notre culture : Weekes sait subtilement mettre en images son scénario engagé, en utilisant tous les codes de l’horreur sans pour autant les révolutionner.
Huis clos écrasant, Weekes se permet de sortir pour quelques moments d’égarement dans ses rues/quartiers qui semblent labyrinthiques. Sans repères, le couple y est terrifié, surtout lorsqu’il rencontre d’autres personnes qui sont, soit trop virulentes/agressives, soit trop sympathiques avec eux. Un sentiment partagé qui n’est aucunement efficace pour rassurer leurs douloureuses pensées. Entre la maison asphyxiante et l’extérieur trop étendu, le couple n’a que pour simple repère : eux-mêmes.
Gloire aux premiers films
Un premier film est rarement parfait, c’est un fait et c’est normal. Celui-ci joue de ses imperfections pour y livrer non seulement un message sincère mais surtout un « fourre-tout » visuel permettant à Weekes de montrer aux spectateurs l’étendue de ses compétences en tant que cinéaste. Ainsi, le réalisateur se permet par moments d’effacer le huis clos par d’intenses séquences de rêveries oniriques où l’on se balade entre douloureux souvenirs et terrifiants cauchemars. Je garde particulièrement en tête l’image de ce repas en solitaire durant lequel Philippe est bloqué dans cette pièce (au mur brisé) flottant sur l’eau (symbolisant la liberté) avant d’être lui-même entouré de zombies.

Cependant, les véritables idées m’ayant captivé au sein de ce long-métrage sont avant tout la musique et la présence de Javier Botet au casting. D’une part, la B.O alliant sonorité typique africaine et thème horrifique «lambda», résonne comme un vent de fraîcheur au sein de l’atmosphère générale du film. Nous sommes nous-mêmes plongés dans un univers sonore peu ordinaire renforçant drastiquement le sentiment d’étrangeté. D’autre part, la présence de Javier Botet, acteur de cinéma emblématique de multiples créatures horrifiques ([REC], Conjuring, Crimson Peak), permet à Weekes d’allier effets spéciaux modernes et d’autres « à l’ancienne ». La créature y est réelle, tactile.

Un résultat concluant, un avenir prometteur

His House est effrayant, dans sa forme comme dans son fond. Nous sommes plongés durant moins d’une heure et demie dans la terreur des personnages et ce, sans forcément enchaîner les jump scares ou autres facilités du genre. Un moment de cinéma qui s’essouffle un tantinet dès lors qu’il décide d’insérer d’importants flashbacks dans son climax, duquel il arrive intelligemment à rebondir pour conclure d’une belle manière son effroyable histoire.
His House disponible sur Netflix depuis le 01 Novembre.
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