[CRITIQUE] Garçon Chiffon – Lumières éclatantes sur Nicolas Maury

Le monstre aux yeux verts n’est qu’un des problèmes du protagoniste de Garçon chiffon, le premier film de l’acteur français Nicolas Maury (Dix pour cent). Construit entièrement autour de la performance de Maury en tant que protagoniste homme-enfant mercuriel, c’est une comédie-drame douce-amère qui parvient à être hilarante dans une scène et extrêmement touchante dans la suivante. Bien que Maury ne colle pas tout à fait la réception et le film est certainement trop long (1h50 quand même), c’est néanmoins un début digne de mention. Garçon chiffon faisait partie de la liste de Cannes 2020. 

Le voluptueux et capricieux Jérémie (Maury) est un acteur qui croit, et dont l’entourage le fait parfois croire, qu’il est toujours un ingénue queer, même s’il a quarante ans. Son père s’est récemment suicidé, mais ce qui est encore plus difficile à gérer pour Jérémie : sa jalousie incurable, pour laquelle il assiste à des séances de groupe avec d’autres personnes dont la vie a été consumée par l’envie et le ressentiment. La première rencontre de Jérémie avec eux est un des premiers moments forts du film. L’affliction apparemment incurable de l’acteur rend également la vie avec son petit ami Albert (Arnaud Valois, le beau gosse de 120 battements par minute). À tel point qu’Albert, un vétérinaire avec sa propre clinique pour animaux de compagnie, se demande s’ils devraient faire une pause. Se sentant abandonné par son amant, et après avoir installé une caméra dans le petit appartement parisien d’Albert, Jérémie rentre chez sa mère Bernadette (Nathalie Baye) dans la campagne limousine. Là, il essaie d’étudier ses répliques pour une audition à venir pour L’Éveil du printemps. Les meilleures scènes du film se déroulent entre Baye et Maury et sur fond de ce que l’on pourrait qualifier d’antithèse d’un Paris endiablé : la France rurale. Leur relation continue de basculer entre tendre et piquant, suggérant que les deux sont imparfaits mais aussi aimants et adorables. Lorsque Bernadette suggère que son fils adulte ne devrait pas se sentir coupable du suicide de son père, par exemple, son fils rétorque que cette pensée ne lui était même jamais venue à l’esprit, mais maintenant cela pourrait le déranger. Jérémie ne respecte pas toujours les efforts de sa mère pour l’aider, comme lorsqu’il perd patience lors de leur préparation conjointe pour son audition parce qu’elle n’est pas très au courant ni du théâtre ni du processus de répétition. 

Une scène dans la cuisine dans laquelle Baye offre à Maury une «belle pomme de terre», en revanche, est curieusement touchante. Idem une soirée de confessions imbibée de spritz dans le salon criardement aménagé de Bernadette qui prend les nuances du cinéma barbelé et flamboyant centré sur les mères de Xavier Dolan (un sentiment renforcé par la présence de Baye, qui a joué dans Laurence Anyways de Dolan et Juste la fin du monde). La costumière Elisa Ingrassia suggère également visuellement que les deux sont coupés dans (presque) le même tissu en habillant Jérémie dans une veste en cuir uni de couleur camel et en donnant à sa mère une veste en daim de couleur similaire. La paix et la tranquillité relatives du duo sont assez fréquemment perturbées par divers hommes magnifiques qui passent, leurs relations précises avec Bernadette ne sont pas toujours faciles à saisir immédiatement, et, à un moment donné, un quintette inattendu de religieuses sauve Jérémie de lui-même ou d’un malheureux accident, selon votre point de vue. Le ton de l’histoire qui, comme les personnages qui la peuplent, continue à aller et venir entre les extrêmes est à la fois ce qui est le plus intéressant et ce qui ne fonctionne pas tout à fait à la fin. Le scénario, que Maury a co-écrit avec Maud Ameline et Sophie Fillières (cette dernière également réalisatrice), tente d’en emballer un peu trop sans tout à fait trouver le bon équilibre et avec trop de sous-intrigues qui s’épuisent, il n’y a pas assez de place pour développer la profondeur des sentiments du scénario mère-fils dans les autres volets. Cela rend également les suppléments trop longs.

Jean-Marc Barr, Laurent Capelluto et Laure Calamy apparaissent comme des acteurs fous de l’industrie, bien qu’une apparition énervée d’une certaine diva française fasse extrêmement rire. Cela dit, la représentation du film du monde du théâtre parisien féroce reste un peu trop privilégiée et entre-soi pour toucher tout le monde. De même, la relation de Jérémie avec Albert, qu’il soupçonne d’avoir une relation avec son collègue, est plus une source d’humour que de tension ou de drame, leur relation est clairement vouée à l’échec dès le départ, les enjeux restent donc très faibles. Cela nous amène à l’intrigue secondaire impliquant le jeune passionné de moto Kevin (étoile montante Théo Christine). Ce gamin de la campagne avec un corps chaud et un cœur d’or aide occasionnellement Bernadette et semble être la solution idéale pour Jérémie. Même la façon dont Maury filme les corps nus de Jérémie et de Kevin suggère visuellement qu’ils sont connectés. Il y a cependant un léger hoquet : Kevin s’identifie comme hétéro. Cela rend la séquence finale un peu inconvenante, ou à tout le moins inexpliquée.

Garçon Chiffon fait du Cinéma. Nicolas Maury met en images ses références, ses camarades, ses comédiens avec amour et envie. Or, en voulant trop en faire, l’acteur/réalisateur/scénariste a tendance à trop se mettre en avant et à divulguer ses compétences. Il danse, il chante, il pleure, il rit : toutes les cases de l’acteur multi-tâche sont cochées, cela ruine notre sympathie pour Jérémie. Trop nombriliste, le garçon (bien que chiffonné) reste aussi plaisant que branlant. 

Garçon Chiffon actuellement au cinéma et le 18 août 2021 en DVD.

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