[CRITIQUE] Emancipation – Un humain dans la mine

Les horreurs de l’esclavage ont toujours été au centre des préoccupations du cinéma depuis ses débuts. Pour beaucoup, c’est le moyen le plus courant de découvrir cette partie sombre de l’histoire de la société. Alors que l’Amérique continue de faire face à son horrible passé d’esclave, le cinéma est devenu, pour le meilleur ou pour le pire, une plaque tournante pour de nombreux récits et dramatisations des horreurs de cette période de l’histoire. Emancipation est un autre film sur l’esclavage qui est fait avec de fortes intentions mais qui, malheureusement, peine à dire quelque chose de nouveau ou d’important dans ce domaine.

Emancipation suit Peter (Will Smith), un homme qui s’échappe de l’esclavage à l’aube de la Proclamation d’émancipation, un ordre d’Abraham Lincoln accordant aux esclaves une liberté totale. Alors que Peter s’embarque dans un dangereux voyage à travers les périlleux marécages de Louisiane pour retrouver sa famille, il se retrouve au milieu d’une société en transition où ceux qui cherchent à maintenir l’ordre ancien le traquent par tous les moyens.

Emancipation s’inspire largement de l’histoire vraie de “Whipped Peter”, un esclave afro-américain connu pour avoir fait l’objet d’une série de photographies tristement célèbres montrant les cicatrices étendues de son dos après des années de mauvais traitements. Dans le film, l’histoire de cet homme est moins centrée autour de son impact massif sur le succès du mouvement abolitionniste et de la société humaine au sens large que sur son histoire d’évasion des chaînes de l’esclavage et la résilience humaine qui l’habite. Malgré le monde déchirant autour duquel le film s’articule, Emancipation se présente finalement comme une histoire édifiante de la persévérance humaine face au mal. Cependant, malgré les bonnes intentions qui sont sans doute derrière et devant la caméra, les problèmes du film commencent rapidement à surgir.

Réalisé par Antoine Fuqua et photographié par Robert Richardson, Emancipation fait un choix bizarre en faisant vivre le film dans plusieurs couches de désaturation. Sur le papier, ce n’est pas une mauvaise idée et si cela fonctionne à l’avantage du film par moments, la palette visuelle du film ressemble moins à un choix créatif nuancé qu’à un acte désespéré des réalisateurs pour rendre Emancipation encore plus horrible esthétiquement que son contenu. Une séquence se déroulant dans un manoir en flammes est certes un bon exemple de l’utilisation de ce choix visuel, mais lorsque le film se déroule principalement de jour, il en résulte un aspect visuel hideux qui nuit davantage à Emancipation qu’il ne l’aide à atteindre la ligne d’arrivée.

L’attraction principale d’Emancipation est indéniablement la performance principale de Will Smith dans le rôle de Peter. Dès le début, Peter est perçu dans le film comme un homme de foi et d’un amour éternel pour sa famille et Dieu, cet amour étant le carburant qui le porte à travers le paysage impitoyable dans lequel le film se déroule. Alors que Smith apporte indéniablement une énergie intense et meurtrie au film dans le rôle de Peter, le défaut central d’Emancipation repose en fin de compte sur le manque de développement de Peter en tant que personne. Alors que nous le suivons dans une sorte de course d’obstacles épuisante dans les marais de Louisiane, il arrive un moment où la pression constante du film sur son fond déchirant et sa cinématographie désaturée devient banale et frustrante.

Emancipation est une histoire faite avec les meilleures intentions et une forte performance de Will Smith, mais il trébuche finalement avant de franchir le pas, comme un film d’esclavage plus obsédé par le maintien d’une esthétique dure que par le récit d’une histoire significative de résilience humaine. Alors que le film se précipite dans son troisième acte qui vise à raconter rapidement l’autre côté de l’histoire de Peter, il montre qu’Emancipation est moins intéressé par l’acte humain de persévérance que par les horreurs esthétiques de l’esclavage dans le langage cinématographique du cinéma de survie. Ce n’est pas nécessairement un mauvais film, mais c’est en fin de compte un film qui a besoin de quelque chose de vraiment unique et audacieux dans sa réalisation pour rendre justice à l’histoire de Peter.

Note : 2.5 sur 5.

Emancipation le 9 décembre sur Apple TV+

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