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[CRITIQUE] El sueño de la sultana – Utopie féministe (Annecy Festival 2024)

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Par Kimly Del Rosario

À travers divers pays et différentes cultures, Isabel Herguera nous emmène entre les rêves et la réalité. Construisant son récit à partir d’une œuvre datant de 1905, le combat féministe s’inscrit pourtant dans notre société actuelle.

Étant présents à cette nouvelle édition du Festival international du film d’animation à Annecy, nous avons pu assister à la projection du premier long-métrage de la réalisatrice espagnole Isabel Herguera. Projeté dans la catégorie des Longs métrages Contrechamp, cette catégorie propose de mettre en lumière de nombreuses œuvres innovantes, se démarquant des attentes habituelles. À la fois dans les techniques utilisées et les thèmes abordés, El sueño de la sultana s’impose dans le paysage de l’animation et trouve bel et bien sa place parmi ces œuvres qui se démarquent.

Copyright Luftkind Filmverleih

Divisé en de multiples histoires, le film prend comme personnage principal la jeune Inés. Tout droit venue d’Espagne, cette dernière parcourt l’Inde à la suite de la lecture d’une utopie féministe. Dans un monde où les hommes sont exclus du lieu de vie des femmes, Ladyland promet une terre où la sécurité des unes et des autres est primordiale. La protagoniste débute son récit par son triste vécu. Confrontée à une agression, comme la majorité des femmes, elle cherche un réconfort et un refuge qu’elle parvient à trouver dans cette nouvelle féministe de 1905. Paru au Bengale, l’écrit de Rokeya Sakhawat Hussain, qui date de plus d’un siècle, ne cesse de faire écho malgré les décennies passées. Alors que les femmes sont quatre fois plus nombreuses que les hommes à ne pas vouloir sortir de chez elles à cause d’un sentiment d’insécurité (cf. Insee-ONDRP-SSMSI, enquête Cadre de vie et sécurité 2019), il est donc facile de s’identifier au ressenti d’Inés lorsque l’on appartient au même genre qu’elle.

Dans cette quête du monde idéal, Inés part à la poursuite d’un rêve, de son rêve, construit à partir de son vécu et des conséquences de la société patriarcale qui l’entoure. Fille d’un célèbre réalisateur, l’importance du rêve est soulignée par ce dernier et l’incite, après ce court passage, à le poursuivre. Ladyland montre la réussite d’une société démunie d’hommes, où l’avancée technologique est présente, et où la science et l’éducation sont accessibles et enseignées à toutes – rappelons qu’en 1905, l’éducation et l’enseignement scolaire étaient destinés principalement aux garçons, en particulier en Inde. Là où la paix et la réflexion règnent, loin de tout conflit qui émane finalement de la gent masculine, les filles et les femmes sont libérées de cette société de castes et épargnées des mariages forcés et précoces, leur permettant de s’émanciper de leur condition où elles ne sont vues que comme des machines à reproduire et surtout comme un moyen de sortir de la pauvreté et de s’élever socialement. En déconstruisant l’argument préféré de l’antiféminisme qui évoque l’infériorité physique des femmes par rapport aux hommes, les maîtresses de Ladyland raisonnent à travers l’exemple du lion qui, bien que plus fort qu’un homme, ne le domine pas. Cependant, en traversant les continents et les rencontres, Inés finit par réaliser que cet idéal est introuvable. La complexité de trouver cette safe place surmonte tous les efforts effectués par la jeune fille et l’éloigne de ce monde imaginaire.

Copyright Luftkind Filmverleih

El sueño de la sultana présente une richesse inouïe, tant au niveau des techniques que des cultures représentées. Allant de l’aquarelle à la peinture au henné, chaque fraction du long-métrage détient sa technique qui lui est propre. Herguera choisit précisément une manière différente pour conter chacune des histoires. Toutes significatives, l’aquarelle suit la réalisatrice dans sa vie quotidienne comme Inés dans le film ; longtemps utilisée par la réalisatrice espagnole dans ses cahiers, l’aquarelle peint l’aventure de la jeune protagoniste. Le henné, qui peint Ladyland, trouve sa signification dans les cultures occidentales. Utilisé par les femmes et sur les femmes, notamment la veille du mariage, le henné est un symbole fort dans la mise en valeur du corps féminin ainsi que dans la protection selon les croyances. Ladyland sublime les femmes en montrant un monde régi par leurs réflexions intellectuelles qui les protègent du comportement néfaste des hommes.

Comme le titre l’indique, la cinéaste se penche sur les rêves à travers une fable féministe. Avec des images sublimes et des dialogues riches et passionnants, Herguera réussit brillamment son premier long-métrage, dénonçant la condition des femmes, en particulier en Inde. Il expose les conséquences d’une société patriarcale inchangée depuis un siècle, et qui semble loin d’évoluer.

El sueño de la sultana de Isabel Herguera, 1h27, avec Miren Arrieta, Paul B. Preciado, Mireia Gabilondo – Prochainement.

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