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[CRITIQUE] Déserts – Deux sables en un

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Par Louan Nivesse

Faouzi Bensaïdi, avec Déserts, entreprend un voyage audacieux qui défie les conventions, brouille les genres et explore les profondeurs de l’existence humaine. Bien que les changements de tonalité et la complexité narrative du film puissent laisser certains spectateurs perplexes, sa volonté inébranlable de provoquer et de déconstruire en fait une œuvre d’art socialement consciente et culturellement marquante. Déserts est le témoignage de l’ambition de Bensaïdi en tant que réalisateur et de sa capacité à créer une exploration profonde, bien que non conventionnelle, de la vie contemporaine et de la condition humaine dans le cadre captivant des paysages désolés du Maroc.

MULTICOUCHE

L’approche de Bensaïdi est multidimensionnelle, mêlant habilement une narration captivante à une tonalité distinctive qui évolue au fur et à mesure que le film progresse. Initialement, le film semble ancré dans le réalisme social, un thème commun au cinéma du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord. L’histoire suit deux collecteurs de dettes maladroits, Mehdi et Hamid, dont l’incompétence révèle les dures réalités du paysage socio-économique de leur pays d’origine. Cependant, à mesure que l’intrigue se déroule, le film transcende ce style initial, se transformant en une aventure picaresque qui explore divers incidents, révélant la complexité sous-jacente du long-métrage. Cette transformation est marquée par un humour distinctif et souvent haché qui juxtapose des images surréalistes avec une comédie caustique.

© Dulac Distribution

Sous l’humour satirique du film se cache une exploration plus profonde des structures sociales et de l’existence contemporaine. Bien que Mehdi et Hamid puissent sembler idiots, ce sont des personnages sympathiques piégés dans une impasse professionnelle, mettant en évidence le contraste frappant entre un capitalisme déconnecté de la vie des démunis et le conservatisme rigide imposé par des autorités hypocrites. À mesure que le film progresse, les moments mélancoliques deviennent plus fréquents, transformant le récit en une réflexion profonde sur la vie moderne. L’oeuvre évolue d’une comédie noire en une parabole moderne sur le déclin social, l’hédonisme et la cupidité, entrelaçant ces thèmes dans une toile narrative complexe. Bien que les développements de l’intrigue puissent parfois sembler déconcertants, il est évident que la force du film réside dans son atmosphère, habilement façonnée par Bensaïdi.

EXAMEN

Déserts aborde courageusement des questions culturelles sensibles, incitant les spectateurs à confronter leurs propres perceptions de la culture et de sa relation avec le monde moderne. La satire est à la fois consciente du passé et prévoyante pour l’avenir, offrant une base solide pour les idées stimulantes du film. Il défie les catégorisations, passant fluidement entre les genres et les concepts philosophiques. Ce qui commence comme une aventure comique devient progressivement une odyssée existentielle, juxtaposant la banalité de la vie à la complexité de l’existence. Dans cette approche audacieuse, le metteur en scène crée un examen stimulant de la condition humaine tout en maintenant un esprit rebelle et joueur.

© Dulac Distribution

L’un des aspects les plus distinctifs de Déserts est sa capacité à changer de tonalité de manière spectaculaire. Le film se présente initialement comme une exploration comique de l’incompétence des collecteurs de dettes, sur fond de désolation marocaine. Cependant, cette tonalité subit un changement radical lorsque le récit introduit un mystérieux fugitif, plongeant l’histoire dans les méandres d’un récit de type fable sur l’amour et l’emprisonnement. Cette transition, bien que audacieuse, peut être déroutante et soulève des questions sur la cohérence du film.

EXÉCUTION

Bien que Déserts offre des scènes initiales prometteuses, mêlant habilement comédie physique et absurdité douce, il peine à maintenir son élan après le changement narratif. Les deux histoires contrastées ne parviennent pas à s’harmoniser efficacement, laissant le spectateur quelque peu déconcerté. La structure non conventionnelle du film pourrait trouver un public plus réceptif sur le circuit des festivals, où l’ouverture à l’expérimentation est courante, mais il pourrait avoir du mal à séduire des marchés plus larges. Les personnages de Mehdi et Hamid, initialement présentés comme des collecteurs de dettes comiques, subissent eux aussi une transformation. Leur rôle devient secondaire lorsque l’histoire se concentre sur un mystérieux hors-la-loi et ses exploits dramatiques. Ce changement reflète le propre sentiment d’immobilisme du film, alors qu’il perd une partie de son énergie et de son élan.

Déserts de Faouzi Bensaïdi, 2h, avec Fehd Benchemsi, Abdelhadi Talbi, Rabii Benjhaile – Au cinéma le 20 septembre 2023

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