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[CRITIQUE] Corsage – La modernité est au cœur du vide

Dès le début, un plan au ralenti montre l’impératrice Elisabeth d’Autriche (Vicky Krieps) et ses trois dames d’honneur (Jeanne Werner, Alma Hasun et Katharina Lorenz) en train de monter les escaliers du palais. Le plan est au ralenti pour permettre au public de se rendre compte qu’il a été filmé dans le véritable palais, sans prendre la peine de masquer les pièges modernes du musée qu’il est devenu, au point qu’il y a un garde en uniforme dans un guichet en verre près de la porte. Ce choix déroutant de la scénariste et réalisatrice Marie Kreutzer était peut-être une conséquence budgétaire inévitable – ils pouvaient tourner dans des lieux historiques authentiques ou dans des décors d’époque parfaitement exacts, mais pas les deux – mais il détourne le cœur du film d’Elisabeth vers le conflit que nous rencontrons lorsque nous évaluons un personnage historique réel avec des yeux modernes.

Elisabeth elle-même mérite une réévaluation moderne. Elle était célèbre pour son corps, avec une petite taille, une silhouette étroitement corsetée (le corsage dont il est question dans le titre) et des cheveux incroyablement longs et soigneusement coiffés. Malgré toute la belle nourriture qu’on lui offre à son gré, elle jeûne pour maintenir sa silhouette et entreprend un programme quotidien d’exercices physiques vigoureux. Son mariage avec l’empereur François-Joseph (Florian Teichtmeister) était autrefois heureux, mais son acharnement à remplir ses fonctions et la perte d’un de leurs enfants ont envenimé l’atmosphère entre eux. Lorsque, après une chute de cheval effrayante, François-Joseph est accueilli dans la chambre d’Élisabeth par une nudité étonnante, il se contente de dire combien il est heureux qu’elle n’ait pas été blessée par sa chute.

Plus tard, Elisabeth se rend dans sa ferme privée dans le nord de l’Angleterre, où elle se laisse filmer par le “père du cinéma” Louis Le Prince (Finnegan Oldfield) et joue avec les affections de son entraîneur d’équitation privé, Bay Middleton (Colin Morgan). Apparemment, tout ce qu’elle veut, au lieu de l’empire qui est à sa disposition, c’est d’être considérée comme la plus belle femme du monde. C’est ce qui l’excite et lui importe plus que tout.

Ou pas ? À son retour de vacances à la ferme, elle commence à se montrer ouvertement dédaigneuse et irrespectueuse de la vie royale qu’elle doit mener. Son fils adulte, l’héritier de l’empire, Rudi (Aaron Friesz), prend l’initiative de lui parler, ce qui se passe aussi bien qu’on pourrait le croire. Et c’est là que le film s’éloigne du biopic habituel pour se transformer en quelque chose d’étrange et de moins efficace. Kirsten Dunst a dit de Marie-Antoinette qu’il s’agissait d’une biographie de sentiments, pas de faits, ce qui semble avoir été l’inspiration de Mme Kreutzer. Sauf qu’à la fin, il n’y a plus aucun rapport avec les faits réels de la vie d’Elisabeth, et avec les rebondissements modernes, elle va vite et mal avec les sentiments, aussi.

L’image de l’affiche internationale montrant Elisabeth en train de faire un doigt d’honneur illustre bien ce point, mais elle ne correspond pas non plus au ton général du film, qui commence avec une grande sincérité avant de perdre la tête. Malgré tout, aucune actrice vivante n’aurait refusé ce rôle, même si le film se transforme en un fantasme de… d’évasion ? De liberté ? De rébellion enfantine ? Krieps projette un sens cool de son propre pouvoir, parle quatre langues – allemand, anglais, français et hongrois – joue du piano elle-même et démontre une grande partie du régime d’exercice d’Elisabeth, bien que les scènes où elle et M. Teuchtmeister se disputent pendant les leçons d’escrime soient beaucoup trop littérales pour être amusantes. Mais les choix d’Elisabeth nécessitent la complicité et le sacrifice de ses dames, de sorte que la fin n’est pas exactement le cri de ralliement féministe que l’on pourrait espérer.

Il y a longtemps qu’un film, et encore moins un biopic historique, ne s’est pas égaré à ce point. Devons-nous rejeter complètement l’idée de films historiques, ou l’idée que nous puissions jamais comprendre un esprit d’une époque antérieure ? Kreutzer ne semble pas le savoir, ce qui signifie que, malheureusement, le film ne le sait pas non plus, faisant de cet exercice une belle perte de temps.

Note : 2.5 sur 5.

Corsage au cinéma le 14 décembre 2022.

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