[CRITIQUE] Compartiment n° 6 – Before Trainrise

Après avoir conquis le premier prix de la section Un Certain Regard lors du Festival de Cannes 2016 pour son œuvre cinématographique, Olli Mäki, Juho Kuosmanen se hisse au sommet en remportant le prestigieux Grand Prix en 2021 pour son film intitulé Compartiment n° 6, une délicate comédie empreinte de subtilités.

Natalia se trouve peu à peu envoûtée par l’intensité de Vadim. Lorsque le train marque une halte dans une ville pour la nuit, ils se retrouvent chez la mère de ce dernier et partagent une soirée empreinte de libations. La mère de Vadim glisse à Natalia cette pensée énigmatique selon laquelle “chaque femme recèle en elle un animal”. Ainsi débute une singulière amitié entre ces deux voyageurs, alors qu’ils échangent sur la vie et s’égayent autour d’un verre. L’ombre de la jalousie plane sur Vadim lorsque Natalia accueille un Finlandais dans leur compartiment. Tous deux se dévoilent, se racontent, et au terme de leur périple, ils emportent avec eux de nouvelles perspectives sur l’existence.

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L’absence apparente de références culturelles ou politiques de la fin des années 1990 dans le récit pourrait égarer quant à son choix temporel. Seuls les subtils indices d’un conservatisme culturel, incarnés par les amis moscovites de Laura qui réduisent sa compagne à une simple “locataire”, témoignent d’une mutation dans le tissu social environnant. Peut-être est-ce la part d’occidentalisation qui a animé cette décision temporelle, permettant ainsi à des mélodies pop d’époques antérieures de se mêler à des éléments architecturaux et infrastructures évoquant tant le pré-soviétisme que le post-soviétisme. Kuosmanen a choisi de tourner toutes les scènes de train à bord d’un modèle des débuts des années 1990, retiré du service depuis deux semaines. Bien que l’intérieur du wagon n’ait subi que peu d’aménagements avant le tournage, il évoque davantage une époque révolue, celle d’un modèle d’un siècle passé, usé par le temps et l’usage, plutôt qu’un modèle contemporain. Cette analogie parfaite pourrait bien refléter les clichés éculés des drames romantiques, rendant ainsi la rencontre dans Compartiment n° 6 d’une banalité désolante.

Le film évoque avec une douceur saisissante un décor austère et glacial. Les teintes se font rares, la majorité des scènes se déroulant à l’étroit dans le compartiment ferroviaire. Si l’histoire tissée par Natalia et Vadim possède un charme certain, le rendu final apparaît terne et quelque peu étiré. Le jeu des acteurs, notamment celui de Borisoz, qui par ses expressions faciales à lui seul arrache des éclats de rire au public, est remarquable. Cependant, le film aurait gagné en efficacité en se limitant à une durée de 90 minutes, les 20 dernières minutes paraissant superflues.

Compartiment N°6 de Juho Kuosmanen, 1h42, avec Seidi Haarla, Yuriy Borisov, Dinara Drukarova – Au cinéma le 3 novembre 2021

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