Les Français ont un intérêt marqué pour la politique, mais qu’aimons-nous encore plus que la politique ? Les potins à l’intérieur de la sphère politique, n’est-ce pas ? Bernadette est un biopic fictif qui explore la carrière et la vie de la femme du président Jacques Chirac, nous faisant traverser les deux quinquennats de 1995 à 2007. Entre les intrigues présidentielles, les jeux de pouvoir et les manipulations politiques, la réalisatrice Léa Domenach présente un biopic vendu comme une comédie grand public, destinée à lever le voile sur une femme restée dans l’ombre. Cette promesse présidentielle est-elle tenue ?
Centré sur l’histoire politique française, les personnes âgées de 25 à 99 ans auront des références concernant les personnalités présentées dans le film, mais il n’en va pas de même pour les plus jeunes générations ou celles à venir. Est-ce donc un simple film générationnel ou possède-t-il un message plus universel sur la condition des femmes en politique ? Je pense que la réponse réside dans une zone grise où trône la figure centrale de Bernadette Chirac. Dès le début, le film se présente comme une satire politique, introduisant des gags liés à la relation entre le personnage de Bernadette et la religion. Tout en assumant de se moquer du côté “vieille France” de son personnage principal, le film s’abstient pour autant de porter un jugement sur les valeurs traditionnelles. Au contraire, il aborde tous ces aspects avec humour et n’hésite pas à se moquer des valeurs “modernes” des autres personnages. Tout cela est renforcé par une mise en scène inventive et efficace. En alternant entre des moments dramatiques et légers, il nous emporte dans un véritable tourbillon émotionnel, car c’est là sa grande force : susciter de l’empathie.
L’interprétation de Catherine Deneuve dans le rôle de Bernadette est d’une justesse fascinante. Son jeu est d’une finesse absolue, nous permettant de ressentir une totale empathie pour son personnage. En alternant entre des moments dramatiques et des moments passionnés, elle se distingue grâce à sa musicalité des dialogues, s’appropriant avec malice les répliques les plus emblématiques de la véritable Bernadette. Elle est néanmoins brillamment accompagnée par un Michel Vuillermoz convaincant dans le rôle de Jacques Chirac, interprétant avec candeur l’homme politique, ainsi que par un Denis Podalydès touchant au possible. Cette décision d’écriture judicieuse nous permet de nous immerger pleinement dans le point de vue de Bernadette, ancrant encore davantage le récit dans une forme hypnotisante de caricature. Tous les personnages sont ainsi poussés à l’extrême : les méchants deviennent de vrais méchants, les incompétents sont de véritables incompétents. La réalisatrice, à travers l’écriture, vient bousculer et électriser ces figures pour livrer des dialogues incisifs et jubilatoires.
Toutefois, quelque chose dérange toujours dans ce récit : son ancrage dans des références datées. Si se moquer de Dominique De Villepin peut être extrêmement drôle, il est possible que tout le monde ne comprenne pas la référence. Ce manque de clarté nuit au récit, mais il peut s’expliquer par le choix de privilégier le point de vue unique de Bernadette, qui nous permet de nous rattacher du mieux que nous pouvons aux nombreuses références sur l’Élysée et les événements de l’époque.
Avec Bernadette, Léa Domenach offre une caricature savoureuse d’une période politique française. Cette satire suscite autant le rire que l’émotion. Le film est porté par des acteurs exceptionnels et des dialogues percutants, un vrai régal ! Toutefois, il souffre de références datées, bien que cela reste un défaut mineur étant donné l’efficacité de cette comédie. Il est clair que ce film ne s’adresse qu’à une génération spécifique, mais il se distingue par son inventivité. Un moment de comédie des plus agréables.
Bernadette de Léa Domenach, 1h32, avec Catherine Deneuve, Denis Podalydès, Michel Vuillermoz – Au cinéma le 4 octobre 2023