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[CRITIQUE] Bad Boys: Ride or Die – Les vieux des Muppets

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Par Louan Nivesse

Qu’est-ce qu’un “mauvais garçon” ? Ces hommes accumulent les frasques, atteignent une popularité sulfureuse, détestés par certains tout en étant idolâtrés par d’autres. D’un côté, l’un gifle lors des Oscars, et incarne le népotisme (Will Smith) ; de l’autre, l’autre voit sa carrière cinématographique sombrer, enchaînant les échecs (Martin Lawrence). Pourtant, tous deux continuent de porter une franchise qui les a hissés au rang de stars mondiales, probablement la seule qui les accepte encore : Bad Boys. Après deux premiers opus réalisés par Michael Bay et un troisième qui devait clore la saga, voici un quatrième film dont l’intérêt s’avère plus que discutable. Bad Boys: Ride or Die semble n’apporter aucune nouveauté, vieillissant même la série.

Ce qui frappe immédiatement, c’est le dialogue interminable entre les deux protagonistes. Dès l’introduction, leurs échanges deviennent redondants, rappelant les conversations entre les deux vieillards des Muppets. Leurs répliques incessantes et souvent insipides s’étendent sur presque toute la durée du film, rendant les personnages insupportables ensemble. Pire encore, l’humour tombe à plat : les jeux de mots sont malaisants et les blagues grossophobes alourdissent l’atmosphère déjà pesante. Malheureusement, les choses ne s’améliorent guère lorsque le film tente de développer son intrigue “originale”. Le scénario de Chris Bremner et Will Beall se résume principalement à un remix des éléments les plus faibles de la franchise Fast & Furious. Un des thèmes centraux est la santé déclinante de Marcus. Lors d’une scène où Will Smith se marie – clin d’œil à sa propre vie amoureuse chaotique pour se faire mousser quand même –, Marcus subit une crise cardiaque et doit éviter le sucre.

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Le scénario le dépeint comme un addict incapable de résister aux sucreries, le rendant presque caricatural. Son comportement frôle l’absurde, le transformant en une sorte de gros chien bavant à la vue de Skittles ou de saucisses, suscitant la pitié plus que le rire. Pourtant, Marcus se montre tel un véritable guerrier, revenant d’entre les morts et s’appropriant l’intrigue de Tyrese Gibson dans F9, convaincu de son immortalité. Ses visions du futur, longuement analysées par le duo, ralentissent encore un scénario déjà peu dynamique. Celui-ci, d’une simplicité déconcertante, suit nos deux bad boys en cavale, cherchant à prouver l’innocence de leur commissaire défunt, accusé à tort de collaboration avec le cartel. Malheureusement, cette intrigue se révèle superflue, le suspense s’évaporant rapidement lorsqu’on découvre qu’il n’y a qu’un seul traître, un personnage étranger aux précédents films.

Le scénario, déjà faible, aurait pu être sauvé par une réalisation audacieuse. Michael Bay, avec ses millions et ses fantasmes cinématographiques, avait su sublimer Bad Boys 2. Malheureusement, le scénario de Bad Boys: Ride Or Die est si incompétent que même Adil El Arbi et Bilall Fallah, accompagnés du directeur de la photographie Robrecht Heyvaert et des monteurs Asaf Eisenberg et Dan Lebental, ne peuvent redresser la barre. Il y a quelques séquences où les choses deviennent un peu trop frénétiques, mais dans l’ensemble, on apprécie que les réalisateurs optent souvent pour des choix et des angles de caméra inhabituels. La scène la plus réussie est une bataille du troisième acte, où un drone de champ de bataille virevolte dans une perspective de jeu de tir à la première personne avant de pivoter pour une prise de vue intense en bodymount.

Les cinéastes déjà aux manettes du troisième opus, se retrouvent encore entravés par les producteurs et les acteurs. Ils s’ennuient derrière leurs caméras, contraints de filmer des champs-contrechamps monotones, rendant ainsi la majeure partie du film ennuyeuse pour eux et pour le public. Pourtant, les 15 % du film où ils peuvent exprimer leur talent sont véritablement jouissifs. Lorsqu’ils filment des scènes d’action, les réalisateurs brillent : des combats en prison où des haltères deviennent des armes, un massacre observé à travers des caméras de surveillance, une agression dans un ascenseur filmée en plan séquence rotatif, ou encore le climax dans un parc de jeux abandonné avec drones, crocodiles et bonbonnes de gaz volantes. Ces séquences sont d’une générosité folle. Les cinéastes, comme en témoignent leurs œuvres précédentes telles que Rebel et Black, ont toujours voulu expérimenter et jouer avec les outils du cinéma, à l’instar de Michael Bay. Il est donc ironique de les priver de cette liberté car, sur le papier, ils sont parfaits pour reprendre la franchise.

Bad Boys Ride or Die de Adil El Arbi et Bilall Fallah, 1h55, avec Will Smith, Martin Lawrence, Vanessa Hudgens – Au cinéma le 5 juin 2024

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