Deux ans après la sélection en compétition de The French Dispatch, Wes Anderson revient avec un nouveau casting prestigieux pour nous présenter Asteroid City. Réunis dans une petite ville de l’Ouest américain des années 50 pour une remise de prix d’inventions liées à la science spatiale, des parents et leurs enfants se retrouvent confinés contre leur gré après l’apparition d’un alien pendant l’événement… Le précédent film de Wes Anderson contenait trois histoires racontées dans un journal, ce qui, malgré de fabuleuses expérimentations esthétiques (peut-être sa plus belle mise en scène), laissait peu de place à l’émotion du fait de la durée des différents récits. Dans Asteroid City, le cinéaste Texan, toujours accompagné par Roman Coppola, retourne à une histoire complète. Enfin presque.
Se joue devant nos yeux en réalité la pièce de théâtre Asteroid City, et en coulisses (tournées dans un joli noir et blanc) les affres de sa création avec les dramaturges et comédiens. L’avantage de revenir à cette structure narrative est que l’on passe plus de temps avec les personnages, donc l’empathie est forcément plus facile que dans un film à sketches. En effet, ce long-métrage fait jaillir plus d’émotion que le précédent mais, comparé à d’autres œuvres du réalisateur (ne serait-ce qu’un des plus récents, L’Île aux Chiens), le résultat reste bien maigre. Les personnages incarnés par Jason Schwartzman et Scarlett Johansson sont sans doute les plus attachants, mais avouent eux-mêmes ne rien ressentir face à l’apparition de l’extraterrestre. Si la séquence en question est amusante visuellement, elle n’est en rien bouleversante ou particulièrement hilarante. L’humour est d’ailleurs assez mineur ici, déclenchant quelques sourires, mais nous sommes très loin du niveau de comédie auquel nous a habitué le cinéaste.
L’aspect mélancolique et introspectif que recherche Wes Anderson ici est à peine esquissé, provoquant une certaine sympathie, mais pas les frissons escomptés. Les séquences dans les coulisses sont parfois belles mais la plupart n’apportent pas grand chose au récit, venant même un peu trop saccader son déroulé. Bien évidemment le film est plastiquement sublime, que ce soit la photographie, les cadres millimétrés, la direction artistique… Tout transpire le style du metteur en scène, jusque dans l’écriture et le jeu des comédiens. Sur ce point, c’est très maîtrisé et l’on ne peut qu’être admiratif de la constance d’un tel travail esthétique depuis 20 ans, mais ce n’est pas non plus le film le plus impressionnant ou étonnant visuellement de son auteur, ce qui est assez dommageable étant donné que le scénario n’est pas non plus éblouissant.
On retiendra quelques jolis moments, des petits gags réussis, des comédiens parfaits (y compris les nouveaux venus comme Tom Hanks, Steve Carell ou Margot Robbie), des tentatives poétiques (certes inabouties) et une magnifique facture visuelle. Cependant, on s’éloigne des émotions fortes que son cinéma pouvait susciter, malgré un univers graphique et narratif très codifié, ce qui pourrait finir par cantonner ses films à de belles vignettes postées sur Twitter et Instagram par ses fans. Un supplément d’âme qu’on s’inquiétait d’avoir perdu dans The French Dispatch, mais tout juste entraperçu dans Asteroid City pour prétendre l’avoir retrouvé pour l’instant. Wes Anderson signe un bon film, qui fera passer un agréable moment aux amateurs de son cinéma, mais qui peinera à leur imprimer la rétine durablement.
Asteroid City de Wes Anderson, 1h45, avec Jason Schwartzman, Scarlett Johansson, Tilda Swinton – Au cinéma le 21 juin 2023