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Asteroid City | Désert Andersonien

Deux ans après la sélection en compétition de The French Dispatch, Wes Anderson revient avec un nouveau casting prestigieux pour nous présenter Asteroid City. Réunis dans une petite ville de l’Ouest américain des années 50 pour une remise de prix d’inventions liées à la science spatiale, des parents et leurs enfants se retrouvent confinés contre leur gré après l’apparition d’un alien pendant l’événement… Son précédent long-métrage se composait de trois histoires racontées dans un journal, ce qui, malgré de fabuleuses expérimentations esthétiques (peut-être sa plus belle mise en scène), laissait peu de place à l’émotion, du fait de la brièveté des différents récits. Cette fois, le cinéaste texan, toujours épaulé par Roman Coppola, revient à une narration plus linéaire. Enfin, presque. Ce que nous voyons à l’écran n’est autre que la mise en scène d’une pièce, Asteroid City, entrecoupée de séquences en coulisses — filmées dans un joli noir et blanc — où l’on assiste aux tourments de sa création, entre dramaturges et comédiens. Le principal avantage de ce retour à un récit plus resserré est qu’il permet de passer davantage de temps avec les personnages ; l’empathie en devient plus accessible que dans une structure à sketches. En effet, cette nouvelle œuvre suscite plus d’émotion que la précédente, mais, en comparaison avec d’autres titres du réalisateur (ne serait-ce que L’Île aux Chiens), le résultat reste assez ténu. Les rôles tenus par Jason Schwartzman et Scarlett Johansson sont sans doute les plus attachants, mais eux-mêmes admettent ne rien ressentir face à l’apparition de l’extraterrestre. Si cette séquence se distingue visuellement, elle n’a rien de bouleversant, ni de particulièrement hilarant. L’humour, ici, se fait discret, provoquant quelques sourires tout au plus — bien loin du niveau de comédie auquel Anderson nous avait habitués.

© 2022 Pop. 87 Productions LLC

L’aspect mélancolique et introspectif que recherche Wes Anderson ici est à peine esquissé, provoquant une certaine sympathie, mais pas les frissons escomptés. Les séquences dans les coulisses sont parfois belles, mais la plupart n’apportent pas grand-chose au récit, venant même un peu trop saccader son déroulé. Bien évidemment, le film est plastiquement sublime : que ce soit la photographie, les cadres millimétrés, la direction artistique… Tout transpire le style du metteur en scène, jusque dans l’écriture et le jeu des comédiens. Sur ce point, c’est très maîtrisé, et l’on ne peut qu’être admiratif de la constance d’un tel travail esthétique depuis 20 ans. Mais ce n’est pas non plus le film le plus impressionnant ou étonnant visuellement de son auteur, ce qui est assez dommageable étant donné que le scénario n’est pas non plus éblouissant. On retiendra quelques jolis moments, des petits gags réussis, des comédiens parfaits (y compris les nouveaux venus comme Tom Hanks, Steve Carell ou Margot Robbie), des tentatives poétiques (certes inabouties) et une magnifique facture visuelle. Cependant, on s’éloigne des émotions fortes que son cinéma pouvait susciter, malgré un univers graphique et narratif très codifié, ce qui pourrait finir par cantonner ses films à de belles vignettes postées sur Twitter et Instagram par ses fans. Un supplément d’âme qu’on s’inquiétait d’avoir perdu dans The French Dispatch, mais tout juste entraperçu dans Asteroid City pour prétendre l’avoir retrouvé pour l’instant. Wes Anderson signe un bon film, qui fera passer un agréable moment aux amateurs de son cinéma, mais qui peinera à leur imprimer la rétine durablement.