Vous ne rêvez pas : en ce cinquième jour de festival, je vais vous parler pour la deuxième fois de sorties à venir, après le jour d’ouverture. Aujourd’hui, deux films américains plutôt opposés. Le premier bien bourrin et actuel, le deuxième, pas moins calme, mais puisant plutôt dans le conte.
AMERICAN CARNAGE
Depuis le début du festival, j’ai été assez aimable. Il faut dire que je me suis réfugié dans les vieux films en évitant les sorties qui soit ne m’intéressaient pas, soit comptaient des retours désastreux. Mais l’amabilité est terminée, parce que je dois bien dire que j’ai trouvé ce film assez pathétique et inintéressant.
American Carnage est donc mon troisième film contemporain de ce festival, où le réalisateur Diego Hallivis va remettre en question deux choses, la place des latinos et la place du troisième âge dans la société américaine. Mettant en scène Jena Ortega et d’autres acteurs un peu moins en vue comme Jorge Lendeborg Jr. (que vous avez peut-être aperçu dans Bumblebee), l’on suit cinq personnes incarcérées suite à une nouvelle loi déposée par un député qui n’aime pas les hispanophones et qui vont entrer dans un programme d’aide aux personnes âgées pour pouvoir être libérés. Vous l’aurez compris au synopsis, American Carnage est assez orienté politiquement et ne va pas y aller par quatre chemins pour nous dire ce qu’il pense. Le début du film est d’ailleurs assez proche du calvaire, entre cette introduction sarcastique sur les États-Unis puis les différentes scènes d’exposition similaires à n’importent quel film américain avec des hispaniques comme protagonistes, on est face à du réchauffé et du pas très original.
Le réchauffé, il ne se fait pas que dans la caractérisation des personnages. Il se remarque aussi dans les références qu’il soulève. C’est simple, Hallivis a dû se lever un matin, prendre la liste de ses films d’horreur préférés et a mis des scènes au hasard dans son film. On retrouve ainsi des vieilles personnes nues comme dans Hérédité, des corps tout retournés comme Linda Blair dans L’Exorciste et une incompétence totale à créer une ambiance angoissante et des jumpscares imprévisibles, comme dans Conjuring.
Attention paragraphe contenant des spoilers. Reprenez après si vous voulez voir le film (il n’en vaut pas la peine).
Si Blumhouse veut de l’argent, qu’il colle un procès à ce film qui reprend quasi-entièrement, avec des variations, le synopsis de Get Out, mais pas que, car presque l’intégralité des twists sont aussi ceux du film de Peele. Pour se démarquer, ils ont aussi pris le twist de Soleil Vert, parce que pourquoi pas. Bref, au-delà de cette histoire déjà-vu et sans intérêt, le film ne se démarque même pas par sa mise en scène, plate et sans intérêt, ni avec ses acteurs tous stéréotypés. C’est d’ailleurs assez amusant de voir que Jena Ortega est déjà cantonnée à un seul rôle, le personnage cynique sur lequel on va faire des zooms et qui va dire un mot qui va à l’encontre du groupe. American Carnage, vous l’aurez compris, n’a pas beaucoup d’intérêt, on ne peut pas tout aimer dans un festival, celui-là est le premier de la liste qui, j’espère, ne sera pas trop longue.
American Carnage de Diego Hallivis, 1h41, avec Jorge Lendeborg Jr., Jenna Ortega, Allen Maldonado – En VOD le 2 août 2023.
MOON GARDEN
Un peu plus de positivité avec Moon Garden de Ryan Stevens Harris, un film qui raconte les rêves et le combat de la petite Emma pour sortir de son coma, après une chute chez elle.
Plus de points positifs certes, mais on ne peut pas dire que Moon Garden m’a pleinement enchanté. Cependant s’il y a bien un point où le film est une totale réussite, c’est sa cinématographie. Harris tourne en pellicule, avec des vieux objectifs. Cela se voit, cela se ressent et cela est fort appréciable pour un tel récit. Car oui, pendant presque la totalité du métrage, nous sommes plongés dans un monde onirique où les codes de la réalité sont bien loin derrière nous. Ce monde rêvé est une franche réussite, l’esthétique globale faisant parfois penser à du Mandico, mais aussi dans une moindre mesure à Mad God, présenté il y a deux ans à l’Etrange, avec son univers totalement fantastique et déjanté. On pourrait d’ailleurs se questionner sur la cohérence de ce monde. On est quand même dans les songes d’une petite fille, et je ne sais pas ce qu’elle regarde à la télé le soir pour imaginer de telles abominations mais je suis heureux de ne pas avoir eu la même imagination étant gamin.
Si techniquement le film est à saluer, son réel problème est que l’on sent bien que cette belle mise en scène est au service du scénario et pas l’inverse. C’est regrettable, d’autant que le scénario et le traitement des parents sont assez douteux. Dès la première scène, le film nous fait plus que suggérer que nous sommes en présence d’un mari violent voire même d’un homme toxique. Pourtant, presque tous les passages dans le monde réel prennent un point de vue accablant la femme. Assez dérangeant de voir une telle maladresse dans le traitement des personnages, d’autant que, comme déjà dit, le scénario a plus d’importance que la mise en scène. Finalement, Moon Garden est un magnifique objet esthétique qui se sabote à vouloir continuellement être dans le sentimental, en étant par ailleurs assez maladroit dans ce qu’il aborde. Reste cet imaginaire absolument splendide, ces chansons envoûtantes ou encore ce passage en animation sublime, qui n’en fait pas un mauvais film.
Bref, pas une journée dingue, on espère que ça ira mieux dans les prochains jours.
Moon Garden de Ryan Stevens Harris, 1h33, avec Augie Duke, Brionne Davis, Maria Olsen – Date de sortie inconnue.